Les bêtes ne courent pas encore les rues. Et les prévisions des professionnels sur l'offre et les prix ne sont guère rassurantes.
L'Aïd-el-Adha ou Aïd-al-Kebir, la "Grande fête", commémore chaque année le sacrifice d'Abraham. Dieu demanda à ce croyant de sacrifier son fils unique. Au moment où il s'apprêtait à passer à l'acte pour prouver sa dévotion au Créateur, celui-ci fit apparaître miraculeusement un mouton et ordonna à Abraham de libérer son fils et de sacrifier l'animal. Ce qu'il fit.
La "Grande fête" a lieu chaque année le 10 du Dhou-el-Hijja, le 12è mois lunaire du calendrier musulman, en souvenir de cet événement miraculeux. Au cours du même mois, les musulmans sont tenus de se rendre à la Mecque, s'ils en ont les moyens, pour y accomplir le pèlerinage, le cinquième pilier de la religion musulmane.
La "Grande fête" (en référence à la "petite" qui marque la fin du jeun du Ramadan) approche à grands pas. A cette occasion, chaque chef de famille musulman, s'il en a les moyens, doit immoler un mouton pour perpétuer le sacrifice d'Abraham. C’est pourquoi le prix du mouton se retrouve, à la veille de la Tabaski, au centre des soucis. L’animal gagne en importance. Le mécanisme de l'offre et de la demande aidant, son prix se hisse aisément à hauteur de celui des produits de luxe. Par exemple, le bélier qui se vendait à 40 000 Fcfa il y a seulement deux semaines, coûte aujourd'hui plus de 50 000 Fcfa sur le marché.
Pourtant, pour l'heure, les acheteurs ne se bousculent pas aux "Garbal" à la recherche de moutons. Les marchands de bêtes, familier certainement du comportement de la clientèle, n'ont pas encore amené les moutons en grand nombre. Seuls quelques acheteurs, poussés par la perspective du renchérissement progressif des prix, préfèrent acheter tôt pour profiter du niveau actuel du marché. Le calcul peut s'avérer à double tranchant car les frais d'entretien d'une bête se révèlent, à l'occasion, prohibitifs. Ils peuvent ainsi atteindre actuellement 1000 Fcfa par jour.
A l'opposé de ceux qui s'offrent la bête au plus tôt, il y a les acheteurs de la dernière minute qui misent sur une possible chute des prix, la veille de la fête. Le pari est risqué. Car ce phénomène ne survient que si le marché est surapprovisionné. Dans le cas contraire, c'est-à-dire dans un contexte de rareté des moutons, les prix s'envolent hors de portée des petites bourses.
MOROSITE AMBIANTE. A deux semaines de la fête, le pronostic de certains professionnels du secteur est inquiétant. Ils prévoient que le marché ne sera pas bien approvisionné cette année même si des cargaisons de moutons et de chèvres commencent à débarquer dans la capitale. Les bêtes viennent essentiellement de la région de Mopti. A la même période l'année dernière, l'effervescence avait déjà commencé. Les marchands ambulants défilaient à tous les coins de rue avec à la main un bâton de berger pour guider les animaux.
Au marché de bétail de Lafiabougou, l'ambiance est presque à l'ordinaire. Toka Cissé, 52 ans, ne possède qu'une dizaine de moutons à vendre. Pourtant, il est considéré comme l'un des plus grands marchands de moutons du marché. Ses 10 moutons comme presque tous les autres animaux du marché proviennent de Banamba et du pays dogon. Selon Toka Cissé, la fête qui s'approche, ne s'annonce pas favorable pour ses affaires. "Depuis 35 ans, je n'ai jamais vu une telle conjoncture. D'habitude, à cette époque, les troupeaux envahissent déjà la ville", fait remarquer le marchand.
Le prix de la bête varie entre 20 000 et 50 000 Fcfa pour les moutons ordinaires. Les béliers "hors pair" sont les "Bali-bali" qui peuvent coûter jusqu'à 300 000 Fcfa. Cette race vendue au prix fort dans les plus grands marchés de bétail de Bamako, est particulièrement répandue à Fatoma (région de Mopti), indique le revendeur Yaya Traoré dit "Rougeot" qui soutient lui aussi que le mouton coûtera beaucoup plus cher cette année.
Sur la rive droite du fleuve, au marché de bétail de Faladié, l'on relève le même climat de morosité. Les commerçants commencent juste à réceptionner quelques centaines de bêtes de la région de Mopti et de Tombouctou. "Les autres camions sont en route", assure Idrissa Poudiougou. Vendredi dernier, le marché n'était pas encore approvisionné. Les clients étaient très peu nombreux ce jour là. Entouré de ses collaborateurs (démarcheurs, transporteurs et jeunes bouchers), Poudiougou explique que les bêtes coûtent de plus en plus cher au marché. Ce constat est corroboré par Madou Diarra pour qui la hausse du prix du transport est à l'origine de cette flambée. Le marché de Faladié est essentiellement ravitaillé par les localités de la région de Mopti telles que Bankass, Koro, Kalassokou et Kondogo.
A. M. CISSÉ, Quotidien L'ESSOR