La bonne entente entre la Mauritanie et le Sénégal va-t-elle être compromise par les agissements d'un inspecteur de douane un peu trop zélé? Les éleveurs mauritaniens, habitués à faire paître leurs troupeaux des deux côtés du fleuve, ne seraient-ils plus les bienvenus sur l'autre rive? Qui a décidé de mettre fin à l'harmonie entre les deux pays, l'Etat sénégalais ou sa douane? N'y a-t-il pas une convention, signée en avril 2003, entre les deux pays, qui autorise la libre circulation des biens et des personnes?
Avec l'arrivée d'un nouveau responsable de la douane à Saint Louis, les éleveurs ''Nar'' sont, depuis quelques mois, l'objet de toutes les brimades. Ils sont, par exemple, obligés, avant de faire traverser leurs troupeaux, de déclarer leur contre-valeur en FCFA. Et si, par malheur, des bêtes meurent, lors de leur séjour au Sénégal, l'éleveur, censé les avoir vendus, selon le raisonnement de la douane, doit payer de grosses amendes. Il y a quelques jours, la tension est montée d'un cran.
Le dimanche 25 mai dernier, trois éleveurs, pourtant munis d'une autorisation de transhumance signée par le préfet de Kaédi et visée par son homologue de Matam, sont arrêtés par des douaniers et sommés de payer une amende de… 130 millions de FCFA - excusez du peu - au prétexte que : "le papier qu'ils détenaient n'a pas été visé par la douane de Saint Louis". Ils resteront menottés durant trois jours et placés en garde à vue dans… une voiture. Après leur libération, suite à l'intervention des autorités régionales, ils n'auront plus que leurs yeux pour pleurer : leurs animaux, laissés en divagation, ont disparu.
Les autorités mauritaniennes ont été saisies de l'affaire. Mais elles n'ont pas encore réagi. Comme à leur habitude. Nouveau retard à l'allumage. Un de plus. Pourtant, lors de sa dernière visite à Rosso et durant la réunion avec les cadres de la wilaya, le président a eu un aperçu détaillé de la situation. Un propriétaire "animalier" a pris la parole pour expliquer qu'il est inconcevable qu'on accorde 500 licences de pêche au Sénégal, qu'on reçoive leurs ressortissants à bras ouverts, et qu'en échange, ils refusent à nos troupeaux d'aller brouter de la paille qui, à la première goutte de pluie, ne servira plus à rien. Sidi ordonne alors au ministre de l'Agriculture et de l'Elevage de répondre. Pris de court et ne sachant quoi dire, Corréra Issagha balbutie : "Euh…Le Sénégal est un pays souverain et on ne peut rien lui imposer".
Sauf, peut-être, de respecter les engagements qu'il a signés et… le bon voisinage, tel qu'il sied à un bon musulman, sinon à un humaniste distingué, n'est-ce pas, monsieur Wade? Les dramatiques évènements de 89 ont démarré sur des incidents à peine plus graves. Plaise au Ciel et à nos gouvernants de prendre attention à ces "détails" de l'Histoire…
Ahmed Ould Cheikh, Le Calame.