« Des faits isolés, liés au trafic de drogue », a estimé hier le ministre de l'Intérieur, Alfredo Perez-Rubalcaba. « Des échauffourées sans grande importance et qui n'ont rien à voir avec des émeutes racistes », a répondu presque en chœur le maire de Roquetas de Mar, avec le souci manifeste de minimiser la gravité des faits.
Dans cette ville de 80 000 habitants proche d'Almería, en Andalousie, de violents affrontements ont eu lieu ce week-end entre des immigrés africains et des Espagnols d'origine gitane, après le meurtre d'un Sénégalais de 28 ans, tué à coups de couteau. Dimanche soir, des Africains ont attaqué une ambulance avec des pierres et des bouteilles de verre. D'autres ont mis le feu à des containers d'ordures et mis en place des barricades bloquant une route d'accès à Roquetas de Mar, ce qui a provoqué la riposte des forces de l'ordre. Au cours de deux nuits d'émeutes successives, où gardes civils et pompiers ont été dépassés par les événements, huit Africains ont été interpellés et trois policiers blessés. Hier matin, environ 300 immigrés africains, appuyés par un syndicat agricole andalou, s'étaient rassemblés devant la mairie pour protester contre la version officielle.
« Abandon ». Selon ces manifestants, l'affaire n'a rien à voir avec la drogue ou un incident isolé. Majoritairement originaires d'Afrique de l'Ouest (Sénégal, Mauritanie, Ghana, Guinée-Conakry), ils lient les violences à l'« abandon » et au « désintérêt » des autorités envers « un quartier marginal », ayant de « graves problèmes de sécurité, d'insertion sociale et culturelle ». Ils exigent des « solutions concrètes » et la libération de leurs compatriotes interpellés, sans quoi, ont-ils menacé, de nouvelles émeutes sont à prévoir. Le quartier en question, Las 200 Viviendas (les 200 logements), est une poudrière sociale, en périphérie d'une ville schizophrène.
Côté jardin, Roquetas héberge des villas d'agriculteurs prospères et d'innombrables hôtels et appartements touristiques en bord de mer. La ville vit largement de cette manne. Côté cour, en bordure d'une ville peuplée par plus de 30 % d'immigrés, s'entassent, aux côtés d'Espagnols paupérisés (dont beaucoup de Gitans), des centaines d'Africains. Souvent venus illégalement par bateau, ceux-ci ont afflué vers Almería, où des agriculteurs cultivant des fruits et légumes sous serre profitent de cette main-d'œuvre bon marché, docile et, le plus souvent, sans papiers. Beaucoup de ces migrants se sont concentrés aux 200 Viviendas, mal desservi, insalubre, délaissé par la municipalité depuis des années.
Minorités. En 2000, c'est une poudrière voisine qui avait déjà explosé : à El Ejido, autre haut lieu des cultures sous serre, des centaines d'Espagnols de souche s'en étaient pris à des ouvriers agricoles marocains, avec des piques et des bâtons, après l'assassinat d'une adolescente par un Maghrébin. Boucheries halal, mosquées et appartements avaient été vandalisés au cours de jacqueries xénophobes. Cette fois-ci, à Roquetas, l'affrontement se produit entre deux minorités qui, entassées dans une zone déshéritée, semblent avoir fini par se haïr.
Source:Nettali