Dans toutes nos communautés ethniques et tribales, la qualité d’être musulman et quelque soient le degré de notre foi et nos capacités intellectuelles et physiques, ne suffit pas comme référence identitaire pleine. Etre musulman dans notre république se disant islamique, se vit avec une certaine relativité face aux écueils suivants ; la Race et la Caste sociale.
Par nos discours faciles consistant à dire que nous sommes tous musulmans et que le reste relèverait du détail, nous avons trop longtemps esquivé de se dire les vérités amères mais sans doute nécessaire. En vrai quels musulmans sommes-nous aujourd’hui vivant dans cette république se disant islamique…. ???
Pourquoi la race d’abord… et l’islam après…???
Les deux composantes (arabo-berbères et afro-mauritaniens) du peuple mauritanien se partagent l’islam comme religion, mais admettons sincèrement que peu se fait au nom de l’islam pour le vivre ensemble entre les deux. Notre constat basé sur les réalités du quotidien dans bien des domaines, montre que les deux races ne se valent pas pour certains membres de la race blanche. Depuis presque la création de cette Mauritanie la réalité des pouvoirs publics sont détenus par ce qu’on appelle le système Beïdane. Ce dernier qui accepte stratégiquement certains éléments complices de la composante noire, domine par des procédés qui ne sont pas certainement islamiques afin de pérenniser la mainmise blanche sur les destinées du pays.
En effet ce n’est pas au nom de l’islam que presque tous les leviers économiques, financiers et médiatiques du pays sont sous le contrôle des arabo-berbères et que les couches sociales pauvres et mal instruites viennent des milieux noirs. Et ce n’est pas non plus au nom de l’islam avec son message libérateur par essence pour l’Homme, que certains Oulémas officiels arabes dits érudits n’arrivent pas à donner une compréhension des textes religieux qui délégitimerait certaines pratiques d’un autre âge (l’esclavage et ses diverses séquelles et les préjugés racistes) en vigueur aujourd’hui.
Ce n’est pas non plus par l’islam qui promeut l’entente et le brassage des peuples surtout professant la même foi qui rend rare la mixité par les mariages entre les deux composantes (blanche et noire). Est-ce au nom de l’islam que les critères d’enrôlement de la population semblent stigmatiser plus les noirs suspectés de potentiels étrangers… ??? Et surtout pour les mauritaniens résidant en Europe soumis à des critères spéciaux (exigence d’une carte de séjour du pays d’accueil) pour valider leur « mauritanité » sachant que 95% de nos ressortissants vivant dans cette zone sont noirs.
Par quel islam, certains de nos milieux politico-religieux appellent à la solidarité musulmane avec certains musulmans du monde arabe affectés par des dures épreuves tout en oubliant les humiliés et stigmatisés de tous les jours dans notre pays.
Cette liste est très longue démontrant le caractère plutôt racialiste* du fonctionnement étatique qu’islamique à notre sens. Sans tomber dans une facile généralisation taxant tous nos compatriotes arabo-berbères, nous estimons que cette république se disant islamique avec un tel fonctionnement pratique est très loin des valeurs et préceptes islamiques qui doivent gérer une Oumma par la fraternité, la dignité, la solidarité, l’honneur et la justice pour TOUS.
L’islam par la Charia selon la définition d’un savant soninké Cheikh Madiakho Tandjigora citant dans son livre « Le Mariage forcé en Islam »: « la raison d’être de la Charia a été et sera toujours la réalisation du bonheur humain, la concrétisation de l’intérêt matériel et moral, individuel et collectif » et en appuyant par l’avis d’Ibn al-Qayyim al-Jawziyya (691-751) disant : « le fait d’avoir ignoré cette réalité en Islam a induit des juristes en de graves erreurs de jurisprudence. Cette ignorance entraîna des grandes complications, d’énormes difficultés. Elle poussa des juristes à décréter des préceptes auxquels nul ne peut obéir ni mettre en pratique et dont on sait que la Charia ne peut en aucun cas les avoir décrétés. Car elle est basée sur la sagesse, la prise en compte des intérêts des humains et leur bien-être dans la vie d’ici-bas et l’au-delà. Elle est totalement justice, entièrement grâce, complètement sagesse et définitivement clémence. Toute question légiférée de manière qu’elle sorte de la justice vers l’injustice, de la clémence vers l’oppression, du bien-être vers la souffrance, n’est assurément pas du fait de la Charia, même si on l’y introduit par la force de la rhétorique. »
Nous sommes tous demandeurs de l’application stricte d’une telle Charia avec pareille profondeur en bien pour l’HOMME et TOUS LES HOMMES dans notre république islamique de la Mauritanie.
Pourquoi la caste sociale d’abord et l’islam après…???
Comme nous l’avons vu plus haut, la problématique raciale et racialiste* est posée entre la composante blanche et la composante noire, alors que celle concernant les castes sociales semble trans ethnique, transcommunautaire et intracommunautaire. Certains de nos milieux politiques et intellectuels s’habituent à une approche simpliste et positiviste des castes sociales dans nos différentes communautés, les considérants comme des piliers organisationnels de nos affaires traditionnelles et coutumières.
Ces voix autorisées raccourcissent tout débat sur le système des castes à une petite histoire des complexés ennemis de l’intérieur qui renient leurs ascendants. Nous savons qu’en dehors tout penchant vers la mauvaise foi, le sens intrinsèque de l’existence de castes c’est qu’elles ne puissent pas se valoir sur TOUT pour NOUS TOUS.
Le système des castes basé sur le determinisme à la naissance de l’individu dans toutes nos communautés, transcende notre supposée identité musulmane commune. Dans ce système, la fraternité par la caste d’appartenance passe en réalité avant celle par l’Islam, voire la perturbe même. Dans certaines communautés (Soninké, peulh et d’autres), le système des castes constitue le socle d’identification par lequel l’individu s’auto disqualifie pour occuper certaines fonctions sociales mêmes symboliques par rapport à d’autres. La société par ce fonctionnement étrange blâme et indexe certains membres qui s’interrogent sur ces dispositions injustifiées religieusement mais mises en avant par les coutumes ancestrales sacralisées à tort à notre sens. Ce n’est pas sur la base des préceptes islamiques que nos organisations sociales traditionnelles interdisent des choses au collectif et à l’individu comme des contre-coutumes et contre-traditions.
Diverses stigmatisations suivent les membres de certaines castes dites inférieures (anciens esclaves, forgerons et d’autres), notamment indignes d’être chef coutumier quel que soit leur âge par rapport à certains d’autres castes. Il est admis explicitement et implicitement dans certains milieux d’entendre le qualificatif d’impur visant certains parmi nous avec qui il faudrait éviter tout lien de sang par le mariage, et par quel Islam osons-nous justifier des telles mentalités… ???
Cette notion «d’impur» visant un groupe d’individus par leur caste supposée explique le récent tollé suscité par le texte « controversé » de notre jeune compatriote Mohamed Cheikh ould Mohamed MKHEITIR issu de la caste des forgerons. Certainement frustré par une certaine confusion religion-statut social faite par les religieux officiels soutenus par la pensée unique endormie, ce jeune s’est interrogé pour les siens sur la nature des faits historiques de l’’Islam qui légitimeraient les stigmatisations sur les castes dites inférieures d’aujourd’hui dans une république islamique. A ce jour, il est aux arrêts, ALLAH AZZEWEZEL est Témoin et tous les sincères sont témoins qu’il n’est pas plus fautif que les puissants tenants politico-religieux se croyant défendre le Prophète PSL dans cette Mauritanie plus racialiste* qu’islamique et plus stigmatisant que fraternelle.
Nous le soutenons fièrement et courageusement, et appelons tous les justes de le soutenir dans cette épreuve. Nous savons que d’autres avaient fait et font pire que lui affectant le bien-être et la cohésion du peuple mauritanien dans le passé comme aujourd’hui. L’Islam non exploité et non interprété pour des fins obscures des ego ne déshonore pas, n’humilie pas, ne rabaisse pas, ne discrimine pas et ne stigmatise pas.
*Racialisme et racialiste : ces mots peu utilisés me semblent justes et adéquats pour nommer l’encrage sociologique de mon sujet dont les conséquences donnent le racisme et les racistes.
Koundou Soumare Membre de L’ARMESPES