Ce texte participe d’un ensemble d’écrits que nous comptons prochainement publier. Il fut écrit en Mars 2010. Mais son contenu reste, selon nous, deux ans plus tard, malheureusement d’actualité. Vos commentaires et critiques, encourageantes et/ou acerbes, mais en tous les cas, je l’espère, objectifs, seront d’une manière ou d’une autre, à n’en point douter, utiles quant à la poursuite et l'amélioration de mes réflexions. Et de cela, je vous suis chaleureusement reconnaissant.
Il y aurait, paraît-il, un «communautarisme» qui saperait les bases de la République. La France, à entendre certain, croulerait sous les coups féroces de revendications catégorielles (et barbares) qui remettraient en question, et son idéal de liberté, d'égalité et de fraternité, et son principe de laïcité. Le ciel à entendre certain, serait en train de tomber sur la tête de notre irréductible et «toutatisienne » Gaule «franchouillarde». Intronisons chauvin et décoiffons De-gaulle. Boire entre les pattes du coq, comme le dit le proverbe soninké, est là la seule force du lézard. Triste moment, où la chute adhérant toujours à l'apogée, devient comble quand la «moutonisation» sociétale et la « crétinologie » deviennent des politiques assumées.
Bizarrement, ce sont ces mêmes «bergers» qui, pourtant à la tête du pays et criant au loup, n'hésitent pas à se faire moutons et dociles, en donnant à certains les clés de la bergerie. Comme certaines boîtes de nuit, il est des «réceptions communautaires» où pour en être, il faut savoir montrer “patte blanche”. Mêmes les vierges effarouchées peuvent avoir de ces moments d'égarement, qui les feront chanter «l'hymen national» de leur dignité d'antan, vendu à vil prix. On peut crier au loup et lui aiguiser ses canines. Tant que crocs et griffes s'abattent sur autrui, tant que les derniers venus reste les premiers asservis, tout va bien. C'est cela ,aujourd'hui, faire politique: miauler et aboyer; caresser et matraquer.
La France chante faux. Et de plus en plus depuis ces trente dernières années. La France «dèrap» et «dèraï» et cela, malheureusement, s'entend douloureusement. C'est qu'il y aurait comme quelque chose de pourri dans ce royaume de «water-gâteux» où l'on cache et distrait de l'essentiel en criant plus fort le superficiel. Or la marseillaise ne fait ici qu'entendre siffler sa décadence. On la siffle parce qu'elle n'est plus le chant qui éveillait peuples et nations. Mais l'opium qui l'endort sur un tas d'injustices sociales, économiques et politiques; un tas d'incohérence entre principes et actes. Alors oui nous sifflons! Oui, par ce rappel au devoir de cohérence nous redonnerons du rythme à cet hymne et la rendrons à nouveau audible parce que non hypocrites, en poussant à la saine application de son esprit, dans les faits. Avec nos nuances culturelles, armés des principes qui nous sont communs, et que toutes les traditions religieuses et humanistes (et même et surtout l'islam, n'en deplaise à certains) partagent, nous redonnerons harmonie à cette voix et sens à notre voie, notre avenir commun. Mais sommes nous et serons nous entendus?
Moise disait à Pharaon «libère le peuple»! Et ce dernier de propager dans le pays: «ils veulent prendre le pouvoir et vous chasser de votre terre». Moise et son frère disait: «il n'y a qu'un Dieu, tous les hommes sont libres et égaux.». Pharaon de répondre «nous t'avons élevé et nourrit parmi nous (t'as pris les allocs quoi!). Et puis tu as commis le crime que tu as commis... et tu n'es qu'un ingrat (en gros t'es un délinquant)». Moise disait: «ne t'érige pas en dieu, ne corrompt pas la terre, ne divise pas les hommes en catégories, n'avilit pas une partie du peuple au profit d'une autre, ne lui enlève pas sa vie en tuant sa virilité (délit de faciès, contrôles, bavures en banlieue, chômage des jeunes... hommes) et en violant sa dignité (exploitation des femmes, précarité etc.). Ses enfants ne sont pas une marchandise». Et pharaon de crier: «Ce Moise est un mal pour le pays, je crains pour vous qu'il soit une plaie et qu'il cause troubles et désordres. Laissez moi lui prendre sa vie. Il faut le faire taire».
Dialogue de sourd? Non! Mais les soifs de pouvoir ont de ces obscures raisons qu'aucune conscience ne sait éclairer, ni faire entendre raison. La France serait elle atteinte du «complexe de Pharaon»? L'histoire est une scène où les rôles et costumes passent sans que ne varie d'un iota le scenario. Les acteurs changent mais l'histoire elle, reste et éclaire. Jetons un œil sur les trente dernières années et tirons en les leçons qui s'imposent.
Il s'agissait d'une marche. Elle était, comme cela fut dit à l'époque, pour l'égalité. Elle ne visait point une spécificité quelconque ethnique et/ou religieuse mais l'application réelle et égalitaire des principes proclamés. Rien, en somme, de bien compliqué. Rien ici, d'antirépublicain jusqu'à présent, bien au contraire. Et quelle fut donc la réponse? La marche pour l'égalité fut rebaptiser «marche des beurs». La démarche citoyenne qui pourtant était humaniste n'eut de réponse politique et médiatique, qu'ethnique. C'était un cri républicain on l'étouffa par un SOS qui reléguait le «frère» au rang de «pote» que l'on maintient sous sa coupe.
Quelques vingt années plus tard, après qu'au passage et en réponse à la marche on s'excita nationalement et «laïquement» sur des «affaires de voiles» et autres polémiques stériles, qui, du coup, voilaient les vrais problèmes sociaux et politiques soulevés en 83, voilà qu'éclatait en 2005 la révolte des banlieues. La France était sous les feux. Comprenez! Si vingt ans plus tôt, en marchant pacifiquement pour nos droits, l'on ne fut point entendu. Il se pouvait qu'en mettant le feu, qu’il y est possibilité d’être au moins être vu faute de ne pas être écouté. Les sourds, s'ils ne peuvent entendre, ne sont pas forcés d'être aveugles. Mais furent-ils vus? La revendication était pourtant claire et somme toute très simple: «plus de bavures policières; cessez de nous prendre pour de la saleté que l'on « karcherise », donnez nous respect et emploi; nous ne demandons pas de viande « hallal » mais un travail licite, nous voulons l'égalité, nous sommes français comme vous». Qu'elle fut ici aussi la réponse à ces revendications républicaines? D'abord la révolution désignée par révolte fut ensuite émeute. On aurait pu, dans le processus de déshumanisation médiatique d'une révolte sociale légitime, aller jusqu'au terme de «meute» (ça fait loup dans la bergerie. Non?). Mais même en ces temps de folies ou les mots perdent leurs sens, il reste certaines pudeurs journalistiques qu'on ne peut encore enfreindre. Quoi que... «Il s'agit de jeunes issus de familles polygames. La polygamie c'est ça le problème » nous disait en substance, des «éminents» politiques, aujourd'hui deuxième et troisième personnage de l'État. «Abaissons leur l'âge de l'apprentissage à 14 ans», fanfaronnèrent d'autres. Et ce, dans un paradoxale contre sens philosophique qui faisait de la réduction de la durée d'éducation un moyen d'émancipation.
Quelques années plus tard, comment les choses ont elles évoluées? Rien. Absolument rien n'a changé. Si ce n'est aujourd'hui, des débats à n’en plus finir, qui sur la laïcité, qui sur l’identité nationale, qui sur le voile, qui sur les chômeurs et leur supposée fainéantise, mais en tous les cas, toujours en arrière fond, contre les pauvres, les immigrés, les jeunes et les musulmans.
Débats qui, savamment entretenu, vont, dans nos égarements politiques et citoyens, roder jusque dans nos cimetières pour «snifer» quelques « racines ». Et ce, afin de déranger, auprès des cadavres et symboles, braves et grands parents, et vérifier, ADN à l'appuie, leur degré de fidélité à la France. Le sang versé, la sueur donnée, le respect des lois, l'adhésion aux principes universels, rien de tout cela n'est suffisant. A chaque rappel des principes communs l'on nous renvoie à la religion, culture et/ou ethnie particulières. Incapable de projet on s'exerce dans le rejet.
Le dernier cas de surdité politique grandeur nature, fut le referendum proposé à nos frères et concitoyens de la Guadeloupe. Face aux injustices sociales flagrantes, devant les discriminations nombreuses subies, voilà qu'un peuple entamait une résistance et une revendication sociale qui rentrait en droite ligne dans ces principes républicains tant rappelés à longueur de temps jusqu'à nausée. Et qu'elle fut la réponse encore une fois de la France à travers ses élites notamment politiques? Ces femmes et ces hommes demandaient à être traités comme des français (ce qu'ils sont en sommes) de façon égalitaire, républicaine et surtout humaine. A cela on leur imposa cette fallacieuse question: «voulez vous rester français? Répondez par oui ou par non».
Ici aussi, comme on le voit, l'indécence est une marque de «cretinologie» politique qui, en ces temps de crise se «pandémise» sans vergogne. «Si tu n'as pas de pudeur, disait un sage, tu fais et dis ce que tu veux». De toute évidence, nos politiques et certains de nos intellectuels manquent absolument de tout, sauf d'indécence. Dans l'incapacité d'agir, à la merci des appétits de pouvoirs carnassiers et financiers (c’est aujourd’hui la même chose), agiter peurs et haines, utiliser symboles et valeurs communs à des fins et intérêts bien particuliers et retors, est le seul moyen pour la bêtise de rester aux affaires. Alors pour maintenir l'illusion: on affame pour faire aboyer; on asphyxie pour mieux stigmatiser; on attise ce que l'on dit combattre. Dans un tel contexte, les mots perdent leur sens. Les termes «laïcité», «démocratie», «droits humains» ou «république» comme auparavant le message de paix d'un Jésus, où la volonté de changement des conditions des ouvriers et opprimé d’un Karl Marx, deviennent non l'expression d'un idéal qui émancipe, mais une idéologie et un moyen de domination.
Que faire alors? Jeter aux oubliettes l'idéal parce que l'idole se drape de ses habits? Honnir la liberté, l'égalité et la fraternité parce que des crétins et certains esprits retors les détournent de leur sens? Craindre et laisser de coté le principe de laïcité et de neutralité de l'État parce que certain l'utilise comme une matraque à géométrie variable, selon que l'on soit de tel ou tel communauté et/ou couleur? Non pas justement! Car c'est là « un holdup mentale » (pour reprendre la formule du groupe IAM) contre lequel il faut lutter. Il faut redonner à ces mots, et leur sens et l'infini qu'ils tentent d'exprimer. Il faut les reprendre et non les abandonner et les accueillir (avec ou sans carte de séjour d’ailleurs!!!) au sein de nos valeurs et représentations du monde. Qui toutes ne disent pas autre chose, dans leurs langages, que ce que toutes les langues proclament et signalent: l'Homme est digne. L’humain est infini. Dans cette perte générale de sens, ce nihilisme global qui sape les fondements mêmes de ce qui fait notre humanité et la veut marchandise, il nous faut la lucidité qui permet de ne pas se tromper d'ennemi et de combat. Il nous faut comprendre que nos sociétés contemporaines vivent plusieurs contradictions qui les mettent en des tensions et contradictions qui, si nous ne les résolvons pas, risquent de tous nous plonger dans un avenir des plus sombre.
Contradiction:
- Entre démocratie et marché libéral: le premier étant potentiellement liberté de l'humain et le second sa marchandisation. La restriction des mouvements des populations pauvres et la libéralisation des flux financiers en sont l'illustration la plus évidente.
- Des principes et idéaux universels mis en tension entre un entre soi, cru et vécu comme universels, et un vivre ensemble de fait culturellement multiple et diverse qui force à un certain relativisme quant à soi.
- Entre des droits écrits en lettre d'or sur les frontons d'écoles et des moyens sociaux et économiques absents voir subtilement spolier.
Or mettre l'être au service de l'avoir; le savoir au service du pouvoir; l'essentiel au service du superficiel: c'est faire de l'homme un loup pour l'homme, un mouton destiné aux crocs de son inconscience. C'est ce qui permet d'enfermer l'autre dans son appartenance ethnique, religieuse et/ou sociale. C'est ce qui permet la géométrie variable de nos lois et valeurs. C'est ce qui prostitue notre pays et le vend au plus offrant. Voilà ce contre quoi il nous faut lutter au-delà des apparences, non pas seulement avec la revendication qui quémande, ni la révolte frustrée qui réagit. Mais avec la conscience qui contribue et oblige à la cohérence entre les principes et les actes.
Et si la France (ou plutôt son élite) nous voit comme un problème, eh bien c'est qu'elle en a un avec elle même. Nous sommes d’ailleurs là pour l'en guérir. Nous sommes là pour lui rendre (la france) le centuple de ce qu'elle nous a donnée. Nous sommes là parce que nous sommes un don du ciel. Et comme tout don, celui-ci est une épreuve qui peut anoblir par la reconnaissance ou avilir par l'ingratitude.
Nous sommes ici et nous le resterons. Non comme larbins mais comme frères, avec ou sans leur amour, mais au moins, certainement et obligatoirement respectés. Alors sifflons! Sifflons même très fort. Les hommes sont nait pour être libres et égaux. Toutes politiques qui ne respecterai pas ce principe est à rappeler à l'ordre ou à décapiter sur le champ! Sifflons! Non pour conspuer mais pour redonner à la marseillaise et à la France, beauté, rythme et harmonie. Nous sommes une chance, et la France, (comme le monde), doit l'entendre. Et quant à sa lourde surdité, qu'ils ne s'inquiétent pas, car nous saurons la lui faire entendre avec force et de force. Les «jours de gloire», croyez nous en capable, sont encore à venir. Car l'avenir est à nous...
MEDIAPART