A peine la mort du président Lansana Conté connue, mardi 23 décembre, une tentative de coup d'Etat était en cours en Guinée-Conakry. Les autorités ont en effet annoncé aux premières heures de la matinée le décès du général Lansana Conté, lundi dans la soirée, à l'âge de 74 ans, "des suites d'une longue maladie". Peu après, des militaires ont annoncé, à la radio d'Etat, "la dissolution du gouvernement, des institutions républicaines et de la Constitution". "A compter d'aujourd'hui, la Constitution est suspendue, ainsi que toute activité politique et syndicale", a déclaré un capitaine de l'armée, Moussa Dadis Camara, sur les ondes de Radio Conakry, précisant qu'un "conseil consultatif" allait bientôt être mis en place, "composé de civils et militaires".
VINGT-QUATRE ANS DE POUVOIR
Selon la Constitution, la gestion des affaires du pays devait normalement revenir temporairement au président de l'Assemblée nationale, chargé d'organiser une élection présidentielle dans les soixante jours. Dans la matinée, avant la tentative de coup d'Etat, le premier ministre, Ahmed Tidiane Souaré, avait demandé au président de la Cour suprême de constater la vacance du pouvoir et de faire appliquer la Constitution. Via la télévision d'Etat, le chef du gouvernement avait lancé aux populations un appel au "calme" et à "la retenue", relayé par le chef d'état-major de l'armée général Diarra Camara, qui se trouvait à son côté.
Le général Conté, né vers 1934 dans une famille paysanne, était arrivé au pouvoir le 3 avril 1984, à la faveur d'un coup d'Etat, une semaine après la mort du premier président de la Guinée indépendante, Ahmed Sékou Touré. Depuis, il avait toujours pris appui sur les dirigeants de l'armée pour avoir la haute main, avec son clan, sur la vie politique et économique de ce pays ouest-africain. Et il s'accrochait au pouvoir, malgré ses maladies (une forme aiguë de diabète, une leucémie...) et une contestation de plus en plus vive.
Début 2007, de grandes manifestations populaires hostiles au régime avaient été violemment réprimées : au moins cent quatre-vingt-six personnes avaient été tuées et douze cents blessées. Les ONG ont maintes fois dénoncé la "gestion calamiteuse" de la Guinée, minée par la corruption et classée parmi les pays les plus pauvres du monde malgré les richesses de son sous-sol (bauxite, fer, or, diamants...). Le mois dernier, plusieurs manifestations avaient eu lieu dans la capitale, Conakry, comme en province, notamment pour protester contre la cherté du carburant ou les coupures d'électricité. Selon l'organisation Human Rights Watch, la répression de ces manifestations avait abouti à la mort de "quatre" personnes "au moins", les forces armées ayant parfois tiré à balles réelles.
Source: www.lemonde.fr