Même si l’idée d’une "muraille verte" vient très probablement de la Chine, pays qui excelle, depuis l’antiquité, dans la tradition de construction des grandes murailles, l’Afrique n’est plus en reste. Dans la région du Sahel, où les moyens d’existence des communautés africaines, sont en train d’être érodés de façon continue par l’avancée inexorable du désert, jaillit un méga projet de grande muraille verte d’Afrique. Rêve, fantaisie ou solution appropriée ? Le projet est aujourd’hui en phase de démarrage de ses activités.
A partir de la fin des années 1970, la Chine populaire avait commencé à bâtir sa muraille verte à l’instar de sa merveille de grande muraille de la préhistoire. Ainsi, la muraille verte chinoise relie l’extrême Nord-est du pays à l’extrême Nord-Ouest, sur un parcours long de 4500 km environ. Tout au long de cette muraille verte chinoise, il y a plus de 20% des terres désertiques qui ont été aménagées, plus de 40% des terres érodées qui ont été soumises au contrôle et 70% des espaces agricoles qui ont été protégés. Grâce à la plantation des arbres, cette muraille chinoise a permis de limiter la progression des dunes de sable et des barkhanes, en perpétuel mouvement, qui se trouvaient à 200 km de Pékin.
Quant au projet similaire africain, l’idée consistait au départ, à faire ériger une "Muraille verte"allant de la Mauritanie, en Afrique de l’Ouest, à Djibouti, en Afrique de l’Est. C’était une idée de l’ex. Président nigérian O. Obasanjo, qui avait été approuvée par l’Union Africaine en 2005, dans le cadre de ses efforts pour sauvegarder l’environnement sur le continent africain, notamment dans la région du Sahel, où les moyens d’existence des communautés, pays et sous-régions, sont en train d’être érodés de façon continue par l’avancée inexorable du désert.
La proposition avancée par les experts africains pour le tracé de cette grande muraille passe par le Sénégal, la Mauritanie, le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire, le Niger, le Tchad, le Nigeria, le Soudan, l’Éthiopie, l’Érythrée et Djibouti. Les critères d’identification de ce projet, qui s’inscrit dans une perspective de reforestation, de régénération du sol et de lutte contre la pauvreté, sont fondés sur le niveau de la pluviométrie, la qualité des reliefs et la nature de la végétation locale.
Le lancement de ce méga projet destiné à stopper l’impitoyable avancée du désert, semblerait être imminent, car le président de la Commission africaine M. Jean Ping vient de recevoir, la semaine passée, une délégation sénégalaise conduite par le Ministre de l’environnement du Sénégal, à Addis-Ababa. L’ordre du jour portait sur la remise à la Présidence de la Commission africaine d’un message du Président A. Wade, relatif au projet de la Grande Muraille Verte de l’Afrique.
Malgré l’option initialement retenue du projet, sa conception avait connue des modifications substantielles lors de la réunion d’experts à Dakar en Juillet 2005. Il s’agit désormais, de faire relier Dakar à Djibouti. Cette réunion qui au départ, devait aborder avec des agronomes et des botanistes, la question des espèces à planter mais aussi examiner la possibilité de création d’une Autorité du désert et l’édification de cette grande muraille verte, est allée beaucoup plus loin. Elle a fini par approuver un tracé large de quinze km et allant cette fois-ci de Dakar à Djibouti. Ce projet pharaonique puisera son financement dans le cadre du plan d’action du NEPAD. Déjà, plusieurs bailleurs de fonds, se sont engagés à financer les études préliminaires ainsi que les études de faisabilité du projet.
Le projet prévoit notamment le reboisement de 15 millions d’hectares de terres arides sur une largeur de 15 km et une longueur de 7000 km. Outre son coût faramineux (plus de 1,5 milliard de dollars ?), la réalisation de cette grande muraille devrait se heurter à de nombreux autres obstacles comme la rareté de l’eau, dont la moyenne ne dépasse pas 400 mm/an dans les régions concernées par le reboisement et la saison sèche peut parfois durer plusieurs mois !
Les scientifiques qui dirigent le projet affirment que les populations des régions traversées par ce mur végétal pourront exploiter les fruits des arbres. Elles pourront également développer le tourisme écologique et retrouver les surfaces cultivables perdues avec la désertification. Il est également prévu la construction de quatre-vingts (80) bassins de rétention par pays traversé et l’introduction d’animaux sauvages dans la végétation qui sera ainsi formée.
Concernant l’implication officielle de la Mauritanie dans la réalisation de ce grand projet écologique, les ressources d’informations disponibles actuellement sur le site web du ministère mauritanien en charge de l’Environnement, ne permettent pas de savoir clairement si des dispositions ont été prises pour traduire le projet dans les faits en Mauritanie, dont on ne sait plus si elle est toujours partie prenante à ce méga projet de muraille verte africaine !
Pourtant, le Sénégal, pays riverain de la Mauritanie, avait d’ores et déjà identifié le tracé de la grande muraille verte (GMV) sur son territoire et pris un train de mesures appropriées pour la mise en œuvre du projet. Ainsi, GMV passera dans les régions de Saint Louis, de Matam, de Tambacounda et de Louga, soit environ 500 km de long. Entre 2006 et 2007, quatre mille hectares, soit environ sept kilomètres d’arbres ont déjà été plantés sur le tracé sénégalais de la Grande Muraille Verte. Ces arbres produisent de la gomme arabique. En 2008, l’État sénégalais devrait planter des arbres sur une superficie de deux mille hectares dans la région de Louga. Ces végétaux minutieusement sélectionnés et adaptés au territoire, seront boisés en bloc contrairement aux plantations déjà existantes qui sont cultivées de façon discontinue.
Actuellement, il y a une agence panafricaine chargée des modalités d’exécution et de coordination du projet de Grande muraille verte, qui sera bientôt mise en place, comme l’a annoncé récemment le porte-parole de la présidence sénégalaise. Cette agence dépendrait du commissaire de l’Union africaine (UA) chargé des questions de l’environnement. Toutefois, au niveau de chaque pays concerné, il y aura une structure chargée de la mise en place des modalités pratiques de mise en œuvre qui verra le jour.
En raison de l’intérêt que ce projet suscite, de plus en plus, avec un véritable effet de boule de neige, il y a d’autres pays africains qui sont en dessus et au dessous du tracé de la Grande muraille verte, comme le Libéria, le Bénin et la Côte d’Ivoire, qui ont demandé à intégrer ce projet de la Grande muraille verte, à travers des corridors reliés à la Grande muraille, qui soient tracés tout au long de son passage à proximité de leurs territoires respectifs.
Enfin, surprise et contraste ! Il paraît que la Mauritanie, qui, pourtant est l’un des pays sahélo-saharien par excellence, de plus en plus absorbée ces dernières années par son dossier politique, pourrait passer malheureusement, à coté de la grande muraille verte du continent africain.
Sources : MSS, Le Quotidien de Nouakchott, Cridem.org, Casa free Agence, Média Terre.