Oubliée pendant près de quinze ans, la technologie du solaire à concentration reprend du service depuis quelques temps à coup de grands projets et de gros investissements. Le point sur une technologie qui pourrait bien devenir le troisième acteur sur le secteur du renouvelable.
A condition qu’industriels et États se laissent tenter, le solaire à concentration (CSP pour "Concentrating Solar Power") pourrait bien couvrir 7% des besoins mondiaux en énergie en 2030 et 25% en 2050. Voilà la conclusion d’un rapport publié en mai par l’Association européenne de l’électricité solaire thermique (ESTELA), SolarPACES - un programme de recherche de l’Agence internationale de l’énergie - et Greenpeace.
Cette technologie repose sur un principe simple : s’ils sont concentrés, les rayons du soleil chauffent fortement. Ainsi saisis par des capteurs paraboliques ou des miroirs orientables, ces rayons sont renvoyés vers une chaudière ou un tube contenant des fluides. Ceux-là sont chauffés à très haute température, entraînant l’émission de vapeurs qui actionnent une turbine. Et produit de l’électricité.
Simple, oui mais pas forcément populaire. Si le solaire à concentration a connu ses premiers balbutiements dans les années 70 et 80, la technologie a disparu du paysage pendant une quinzaine d’années avant de refaire surface il y a six ou sept ans. Grâce notamment à des politiques publiques incitatives. En Espagne par exemple, le gouvernement a garantit un prix minimum de rachat (27 centimes d’euros le kWh). De quoi permettre à la technologie de décoller. En 2008, la capacité des installations s’élevait à 450 Megawatts dans le monde. Loin, certes des 9,1 Gigawatts de solaire photovoltaïque installés aux quatre coins de la planète (chiffre 2007). Mais le CSP n’a pas dit son dernier mot. Des dizaines de centrales sont aujourd’hui en cours d’installation pour une capacité estimée à 17 000 MW.
Il faut dire que la technologie a des avantages. "Elle permet de stocker l’énergie. Si le soleil chauffe les fluides pendant la journée et produit de la vapeur. Celle-ci peut être stockée pour être utilisée sous forme d’électricité le soir aux heures de pointes", souligne Sven Tesken, spécialiste des énergies renouvelables à Greenpeace International. Elle est aussi complémentaire des systèmes existants. "Le photovoltaïque sert plutôt à alimenter des foyers, des bureaux, de petites structures. Il est utile dans des villages qui ne sont pas reliés au réseau électrique, rappelle l’employé de Greenpeace. Le CSP, quant à lui, peut permettre de produire de l’électricité de manière centralisée, à plus grande échelle." Ainsi, en Espagne, la première centrale solaire à concentration à destination commerciale a vu le jour en 2007 (voir photo). D’une capacité de 11 MW, cette installation composée de 624 miroirs mobiles peut produire 23GWh d’élecricité par an, soit alimenter une ville de 10 000 habitants ! Mais ce qui est possible en Espagne ne l’est pas forcément... ailleurs. "C’est une technologie qui marche avant tout dans le désert, souligne Sven Teske. Parce qu’il faut un ciel clair. C’est idéal pour des régions comme le Moyen Orient, l’Afrique du Nord, l’Amérique centrale ou du Sud, la Chine de l’Ouest ou le Nord-Est de l’Inde. Mais dans le Nord de l’Europe c’est tout simplement impossible. La seule option pour ces pays là c’est d’importer cette énergie.
Quid de la France ? Le Sud de l’Hexagone pourrait s’y prêter. En 83 une installation a vu le jour à Targasonne (Pyrénées orientales) avant de fermer ses portes en 86. Pas assez rentable, avait)on dit à l’époque. Depuis 2003, le site est sorti du formol et rebaptisé "centre de valorisation solaire multitechnologique", mêlant recherche et production – modeste – d’électricité. En avril dernier, un projet prévu dans les Hautes Alpes a plongé à son tour pour cause d’incertitudes techniques et d’une population locale réticente. Bref, le CSP n’a pas encore percé en France. Et "aucune incitation financière n’est prévue pour cette technologie", assure-t-on au Ministère de l’Ecologie.
Ailleurs, les investissements fleurissent. Cette année, ils devraient s’élever à 2 milliards d’euros. Si la tendance persiste, ce sont 92,5 milliards d’euros qui seront investis annuellement dans le CSP à l’horizon 2050, avancent -optimistes - les auteurs du rapport. Mais pour être sûr d’y parvenir, il faut gagner le soutien des États. "Alors les investisseurs viendront comme ils sont venus en Espagne ou dans certains parties des Etats-Unis." Car comme toute énergie renouvelable, la technologie est rentable. "Une fois installée, son coût est fixe. Il n’y a pas de nouveaux paramètres comme le cours du charbon qui entre en compte.". Reste que cette technologie devra s’implanter dans un secteur d’énergies renouvelables en construction. "Il ne s’agit pas de mettre de côté l’éolien ou le photovoltaïque. Mais nous espérons un jour que cette technologie deviendra le 3e grand acteur du secteur. Après l’éolien et le photovoltaïque et avant la géothermie et l’énergie marémotrice", rêve déjà Sven Teske de Greenpeace.
LES SOURCES DE CET ARTICLE :
Le rapport de Greenpeace, SolarPaces et Estela
Photo : La centrale PS10 à 25km de Séville en Espagne. Dotée de 624 miroirs amovibles, elle peut produire 23 GWh d’électricité par an, soit la consommation d’une ville de 10 000 habitants. ( Markel Redondo/Greenpeace)
Karine Le Loët
Journaliste à Terra eco (Paris).
Source : http://www.planete-terra.fr