Dans cette région naturelle du Guidimakha, terroir d’histoires plurielles et zone de confluence sur l’axe Bakel-Kayes, à cheval sur les trois pays que sont le Mali, la Mauritanie et le Sénégal, les experts développeurs vont à l’école... des populations locales. On pourrait, en effet, parler ici, sans tomber dans la simple clause de style, de leçons de pragmatisme des savoirs et modèles locaux d’adaptation tellement est manifeste l’intérêt que présente au plan heuristique et de la recherche-action la région appelée aussi le « Gadiaga-Boundou ».
Du fait de la crise écologique multiforme consécutive aux impacts de la variabilité climatique sur l’environnement qui y sévit, l’intérêt pour cette zone, des chercheurs travaillant sur les changements climatiques, est d’autant plus prégnant encore que les populations y vivant et qui sont affectées par cette crise s’investissent, en vue de s’adapter et de développer des stratégies propres leur permettant de faire face.
Dans cette zone et du fait de la raréfaction des pluies, la plupart des sols, jadis cultivables, ne sont plus aptes aux cultures. « Nous cultivons dans les endroits où jadis nous pêchions », disent les paysans eux-mêmes. Exposés à la vulnérabilité et à l’insécurité alimentaire, ils ne restent pas cependant sans apporter une réponse aux affres des changements du climat.
Du fait de la crise écologique multiforme consécutive aux impacts de la variabilité climatique sur l’environnement qui y sévit, l’intérêt pour cette zone, des chercheurs travaillant sur les changements climatiques, est d’autant plus prégnant encore que les populations y vivant et qui sont affectées par cette crise s’investissent, en vue de s’adapter et de développer des stratégies propres leur permettant de faire face.
Dans cette zone et du fait de la raréfaction des pluies, la plupart des sols, jadis cultivables, ne sont plus aptes aux cultures. « Nous cultivons dans les endroits où jadis nous pêchions », disent les paysans eux-mêmes. Exposés à la vulnérabilité et à l’insécurité alimentaire, ils ne restent pas cependant sans apporter une réponse aux affres des changements du climat.
Cette zone est en passe de devenir un véritable laboratoire d’expériences innovantes. Un peu comme pour ce qui est fait dans les collectivités locales de Notto Diobass, Fandène et Taiba Ndiaye dans la région de Thiès par le projet infoclim du Centre de suivi écologique (Cse) qui, dans un contexte marqué par des perturbations climatiques, cherche à mettre en place un observatoire sur les changements climatiques sous forme de plate-forme participative intégrant l’information scientifique et les savoirs locaux pour soutenir les capacités locales d’adaptation aux changements climatiques des populations. Des expériences pilotes y sont, en effet, conduites sous l’égide de deux grands projets initiés par Lead Africa qui accompagne les communautés dans cette quête de réponses appropriées aux effets des changements du climat : celui intitulé « Strengtening the capacity of communities and local institutions to response to the threats and consequences of climate change in Southern and West Africa ». Et un autre qui y est mené dans le cadre du Projet pilote de restauration et d’exploitation rationnelle des ressources de la mare de Tuabou (Activité socioéconomique et gestion durable).
Ce qu’il est désormais convenu d’appeler la plate-forme de Bakel-Kayes est en train, non seulement de donner à la recherche, les moyens supplémentaires de valider ses hypothèses de travail, mais aussi de soulever d’autres questions, à la fois conceptuelles et méthodologiques d’envergure qui touchent aux aspects les plus complexes d’un environnement en mutation rapide.
Le premier projet qui a démarré en juillet 2008 s’était fixé comme objectif de permettre aux communautés, institutions et Ong ciblées d’acquérir et de développer leurs capacités afin de faire face aux effets des changements climatiques. De l’avis de M. Thierno Seck, ingénieur agronome et spécialiste de gestion des risques climatiques qui coordonne ces projets, ces groupes cibles en sont arrivés, aujourd’hui, grâce aux actions menées avec les populations locales, à anticiper et minimiser l’impact des changements climatiques sur les moyens d’existence des populations les plus vulnérables.
Deux documents, des glossaires conçus dans les langues locales les plus parlées dans la zone d’intervention du projet (soninké et bambara) ont été élaborés tout au début du processus qui décrivent les mutations qui ont affecté l’environnement dans les zones de Bakel au Sénégal et Kayes au Mali et leurs conséquences sur les principales activités de production agricole. Ils dressent l’état des lieux des changements climatiques tels qu’il est perçu et exprimé dans les langues des populations en présence. Ces glossaires révèlent surtout que les communautés ont une perception claire et précise des changements climatiques.
La mémoire écologique de toute une communauté a été mise en images et donc consignée dans un film documentaire dont le titre lui-même est une réitération de la parole collective : « Nous cultivons là où nous pêchions ». Et l’expérience communautaire est relatée par ce biais, valorisée lors de la dernière conférence des parties sur le Climat, la CoP 15 de Copenhague, à travers une série d’échanges virtuels via Cisco TelePresence et Webex et des retransmissions en direct de Copenhague auxquels ont participé des représentants de la presse, de la société civile et de nombreuses autres personnes intéressées dans les pays concernés par le projet depuis les différents endroits où ils se trouvaient (Dakar et Bakel au Sénégal, Abidjan en Cote D’Ivoire, Zomba au Malawi et Dar Es Salaam en Tanzanie).
A terme, ces populations vont être en mesure, selon M. Thierno Seck, d’identifier et d’adopter des stratégies d’adaptation permettant de répondre aux impacts des changements climatiques. En outre, ils ont vu leur niveau de connaissances techniques amélioré de manière significative, de même que leurs capacités de collaboration avec d’autres organisations, à travers des échanges d’informations. Ils parviendront enfin à faire entendre leur voix dans les forums politiques.
Il s’agit là assurément d’une expérience à capitaliser et que l’on gagnerait à créditer à la « banque des connaissances » dont la géographe environnementaliste Aby Dramé du programme « Energie environnement développement » de Enda, justifiait la nécessité (voir « Tiempo Afrique, bulletin sur le climat et le développement » n° 4 février 2010), par le fait que les connaissances et savoirs traditionnels ou autochtones présentent un intérêt certain dans le cadre d’une approche participative de la mise en œuvre.
Roger Jones et Atiq Rahman, les deux chercheurs qui, dans la revue citée en référence, rendent compte d’un atelier sur l’adaptation au niveau des communautés qui s’est tenu à Bangladesh, en février 2007, ont montré le caractère impérieux d’un tel travail que l’on pourrait assimiler à une sorte d’archéologie des savoirs endogènes qui, en Afrique, peuvent épouser différentes formes. Et notamment celles de cosmogonies écologistes (la Charte de Kurukan Fugan plus connue sous le nom de Protocole du Mandé, la Diina de Cheikhou Oumar Foutiyou Tall, entre autres) dont nous parlions dans cette même chronique, il y a quelques semaines, en vigueur presque partout dans le continent et qui sont respectueuses toutes des équilibres nécessaires entre l’homme et la nature. En ceci qu’elles structurent ainsi des dispositifs cohérents de gestion responsable de l’espace et des ressources en dehors de toute occurrence de conflits et qui ont permis aux communautés de s’adapter aux aléas.
« La vulnérabilité aux changements climatiques est fortement influencée par la capacité adaptative des communautés qui sont exposées à leurs impacts. Il arrive souvent que les différences au niveau de la capacité d’adaptation déterminent plus nettement la répartition de la vulnérabilité que les différences au niveau de la réponse biophysique. L’adaptation communautaire aux changements climatiques (Acc) est donc un processus qui reconnaît que l’aptitude des communautés locales est un déterminant essentiel », écrivent les deux chercheurs Johns et Rahman qui reconnaissent cependant que le manque de structure qui entoure l’adaptation communautaire est problématique pour les praticiens, les organismes de financements et les autres parties intéressées. Ce qui, pour eux, rend d’autant plus nécessaire encore l’identification et la documentation des bonnes pratiques en la matière que « l’adaptation aux changements climatiques est un processus qui se développe à partir de la capacité adaptative : l’aptitude d’une communauté à s’adapter au changement ». Une dimension importante du problème qui n’a pas échappé à l’expert Jean Philippe Thomas qui redéfinit les liens entre le processus d’adaptation et le développement durable dont l’adaptation est partie intégrante. Ceci à partir de ce paradigme innovant qui définit l’adaptation comme un processus que les populations doivent maîtriser, mais dont le financement est et reste amplement motivé par le fait qu’il est constructeur de l’autonomie des communautés. Ceci pour cette raison évidente que l’adaptation est une donne qui repose sur des processus décentralisés et locaux, mais qui, face à aux défaillances actuelles de la gouvernance globale du développement durable, est porteuse de nouvelles régulations. Pour Jean Philippe Thomas qui est le patron de programme Energie environnement développement de Enda, les dynamiques endogènes d’adaptation et de développement seront pour beaucoup dans ce dispositif alternatif de régulation : « La manière dont on aborde ici d’adaptation est porteuse d’une nouvelle architecture de gouvernance et de régulation portée par le changement impulsé par les populations, leurs innovations et leurs modes de coopération. Toutes les actions menées actuellement en appui aux populations, et qui ont leur propre logique d’organisation, doivent permettre d’apporter des éléments de réponses à des questions du type : de nouvelles régulations à l’échelle micro-économique et sociale sont-elles de nouveaux modes de répartition des richesses plus équitables et débarrassées des modes de redistribution actuelle par les projets et l’aide publique au développement » ?
La chronique environnement de Moustapha SENE
Source : http://www.lesoleil.sn
Ce qu’il est désormais convenu d’appeler la plate-forme de Bakel-Kayes est en train, non seulement de donner à la recherche, les moyens supplémentaires de valider ses hypothèses de travail, mais aussi de soulever d’autres questions, à la fois conceptuelles et méthodologiques d’envergure qui touchent aux aspects les plus complexes d’un environnement en mutation rapide.
Le premier projet qui a démarré en juillet 2008 s’était fixé comme objectif de permettre aux communautés, institutions et Ong ciblées d’acquérir et de développer leurs capacités afin de faire face aux effets des changements climatiques. De l’avis de M. Thierno Seck, ingénieur agronome et spécialiste de gestion des risques climatiques qui coordonne ces projets, ces groupes cibles en sont arrivés, aujourd’hui, grâce aux actions menées avec les populations locales, à anticiper et minimiser l’impact des changements climatiques sur les moyens d’existence des populations les plus vulnérables.
Deux documents, des glossaires conçus dans les langues locales les plus parlées dans la zone d’intervention du projet (soninké et bambara) ont été élaborés tout au début du processus qui décrivent les mutations qui ont affecté l’environnement dans les zones de Bakel au Sénégal et Kayes au Mali et leurs conséquences sur les principales activités de production agricole. Ils dressent l’état des lieux des changements climatiques tels qu’il est perçu et exprimé dans les langues des populations en présence. Ces glossaires révèlent surtout que les communautés ont une perception claire et précise des changements climatiques.
La mémoire écologique de toute une communauté a été mise en images et donc consignée dans un film documentaire dont le titre lui-même est une réitération de la parole collective : « Nous cultivons là où nous pêchions ». Et l’expérience communautaire est relatée par ce biais, valorisée lors de la dernière conférence des parties sur le Climat, la CoP 15 de Copenhague, à travers une série d’échanges virtuels via Cisco TelePresence et Webex et des retransmissions en direct de Copenhague auxquels ont participé des représentants de la presse, de la société civile et de nombreuses autres personnes intéressées dans les pays concernés par le projet depuis les différents endroits où ils se trouvaient (Dakar et Bakel au Sénégal, Abidjan en Cote D’Ivoire, Zomba au Malawi et Dar Es Salaam en Tanzanie).
A terme, ces populations vont être en mesure, selon M. Thierno Seck, d’identifier et d’adopter des stratégies d’adaptation permettant de répondre aux impacts des changements climatiques. En outre, ils ont vu leur niveau de connaissances techniques amélioré de manière significative, de même que leurs capacités de collaboration avec d’autres organisations, à travers des échanges d’informations. Ils parviendront enfin à faire entendre leur voix dans les forums politiques.
Il s’agit là assurément d’une expérience à capitaliser et que l’on gagnerait à créditer à la « banque des connaissances » dont la géographe environnementaliste Aby Dramé du programme « Energie environnement développement » de Enda, justifiait la nécessité (voir « Tiempo Afrique, bulletin sur le climat et le développement » n° 4 février 2010), par le fait que les connaissances et savoirs traditionnels ou autochtones présentent un intérêt certain dans le cadre d’une approche participative de la mise en œuvre.
Roger Jones et Atiq Rahman, les deux chercheurs qui, dans la revue citée en référence, rendent compte d’un atelier sur l’adaptation au niveau des communautés qui s’est tenu à Bangladesh, en février 2007, ont montré le caractère impérieux d’un tel travail que l’on pourrait assimiler à une sorte d’archéologie des savoirs endogènes qui, en Afrique, peuvent épouser différentes formes. Et notamment celles de cosmogonies écologistes (la Charte de Kurukan Fugan plus connue sous le nom de Protocole du Mandé, la Diina de Cheikhou Oumar Foutiyou Tall, entre autres) dont nous parlions dans cette même chronique, il y a quelques semaines, en vigueur presque partout dans le continent et qui sont respectueuses toutes des équilibres nécessaires entre l’homme et la nature. En ceci qu’elles structurent ainsi des dispositifs cohérents de gestion responsable de l’espace et des ressources en dehors de toute occurrence de conflits et qui ont permis aux communautés de s’adapter aux aléas.
« La vulnérabilité aux changements climatiques est fortement influencée par la capacité adaptative des communautés qui sont exposées à leurs impacts. Il arrive souvent que les différences au niveau de la capacité d’adaptation déterminent plus nettement la répartition de la vulnérabilité que les différences au niveau de la réponse biophysique. L’adaptation communautaire aux changements climatiques (Acc) est donc un processus qui reconnaît que l’aptitude des communautés locales est un déterminant essentiel », écrivent les deux chercheurs Johns et Rahman qui reconnaissent cependant que le manque de structure qui entoure l’adaptation communautaire est problématique pour les praticiens, les organismes de financements et les autres parties intéressées. Ce qui, pour eux, rend d’autant plus nécessaire encore l’identification et la documentation des bonnes pratiques en la matière que « l’adaptation aux changements climatiques est un processus qui se développe à partir de la capacité adaptative : l’aptitude d’une communauté à s’adapter au changement ». Une dimension importante du problème qui n’a pas échappé à l’expert Jean Philippe Thomas qui redéfinit les liens entre le processus d’adaptation et le développement durable dont l’adaptation est partie intégrante. Ceci à partir de ce paradigme innovant qui définit l’adaptation comme un processus que les populations doivent maîtriser, mais dont le financement est et reste amplement motivé par le fait qu’il est constructeur de l’autonomie des communautés. Ceci pour cette raison évidente que l’adaptation est une donne qui repose sur des processus décentralisés et locaux, mais qui, face à aux défaillances actuelles de la gouvernance globale du développement durable, est porteuse de nouvelles régulations. Pour Jean Philippe Thomas qui est le patron de programme Energie environnement développement de Enda, les dynamiques endogènes d’adaptation et de développement seront pour beaucoup dans ce dispositif alternatif de régulation : « La manière dont on aborde ici d’adaptation est porteuse d’une nouvelle architecture de gouvernance et de régulation portée par le changement impulsé par les populations, leurs innovations et leurs modes de coopération. Toutes les actions menées actuellement en appui aux populations, et qui ont leur propre logique d’organisation, doivent permettre d’apporter des éléments de réponses à des questions du type : de nouvelles régulations à l’échelle micro-économique et sociale sont-elles de nouveaux modes de répartition des richesses plus équitables et débarrassées des modes de redistribution actuelle par les projets et l’aide publique au développement » ?
La chronique environnement de Moustapha SENE
Source : http://www.lesoleil.sn