Les derniers jours du mois de ramadan étaient également colorés. Pendant que les tailleurs confectionnaient les beaux habits, les filles, elles, accourraient derrière leurs coiffeuses. Trouver une coiffeuse n'était pas chose aisée. Les filles pouvaient passer des nuits pour les besoins de leur coquetterie. Souvent, ce sont les tailleurs qui s'érigeaient en bête noire. " Plus manipulateur qu'un tailleur, tu meurs " dit- on. Ils sont champions des faux rendez-vous. Les clients passaient des journées entières à attendre leurs habits. Un calvaire indescriptible qui faisait couler quelques larmes des yeux des impatients. Chez les garçons, l'heure est à la fête. Ils ont moins de contrainte que leurs sœurs. Ils peuvent se passer de beaux habits et toute la ribambelle d'effets. Leur jeu favori consistait à aller faire le tour des abattoirs pour contempler les bœufs qui serviront de " Tong-Tong " le jour de la fête. Ils parcouraient des kilomètres pour assister à ce festin. Chacun donnait son avis sur les bœufs et attendait avec impatience le jour du " Tong-Tong". La vieille de la fête de Korité "Aïd El Fitr", les garçons ne dormaient point. Ils faisaient une veillée dans leurs chambres de jeunes. Ils prenaient le thé et discutaient de tout. Leur vie d'adolescent, la fête, le Football, l'école, l'immigration, les filles, tous ces sujets étaient passés au crible.
Dès l'aube, les vieux retraités et quelques jeunes privilégiés du village immolaient les bœufs, les dépèçaient et formaient des tas. Les jeunes arrivaient toujours tôt au lieu du «Tong – Tong ». Certains assistaient aux différentes étapes du "Tong - Tong" pendant que d'autres jouaient au damier ou aux cartes. Les plus grands profitaient de ces instants pour faire les yeux doux aux jeunes filles des autres quartiers. Il règnait une bonne ambiance dans ces abattoirs de la capitale du Gajaaga. Entre ces différents appels, les jeunes s'impatientaient. Je guettais toujours le nom de mon grand - père et celui de mes trois grand-mères. Dès qu'on les appelait, j'alertais mes camarades qui, à leur tour, tendaient nos bols aux distributeurs. Dès que le nombre d'appels devient proportionnel au nombre de tas qui nous sont alloués, on reprenait le chemin du retour. Une fois arrivés à quelques encablures de chez nous, on remplissait les poches de nos manteaux de morceaux de viande. Généralement, on préparait ce plan de vols organisés de viandes des jours plus tôt. Chaque groupe de jeunes donne l'ordre à ses membres d'amener deux ou trois morceaux de viande que l'on grillera le soir autour du thé. C'est le seul jour de l'année que les jeunes Bakélois portent des manteaux. Après ces vols, on déposait le reste de la viande à la maison. Les parents donnent souvent quelques morceaux aux jeunes et gardent le reste pour les succulents déjeuners et diners du jour. On préparait des pattes, du couscous, des petits pois... Le soir, nous sortions dans la ville pour aller demander des étrennes.
Samba Fodé KOITA dit Makalou
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