Les Sénégalais de l’extérieur ont maintenant l’habitude de s’adresser à un département ministériel pour régler leurs problèmes. Ce même département qui a introduit des réformes en matière de gestion des Sénégalais de l’extérieur, vient de se doter d’un nouveau partenaire, le Conseil supérieur des Sénégalais de l’extérieur, qui est un organe consultatif appelé à bien collaborer avec les pouvoirs publics. Le ministre Sada Ndiaye, nous en dit beaucoup plus dans cet entretien.
Le Messager : Aujourd’hui, les Sénégalais de l’extérieur sont gérés par un ministère. Quelles sont les nouvelles orientations de ce département ?
Sada Ndiaye : Effectivement, vous avez raison et vous posez là une question très pertinente qui nous demande de retracer un peu l’évolution de ce département qui était une direction au sein du Ministère des Affaires étrangères. A l’occasion du symposium qui s’est tenu à Dakar en 2001, il y a eu des réflexions et parmi les recommandations, il a été demandé de créer un département destiné aux Sénégalais de l’extérieur. Vous n’êtes pas sans ignorer que la diaspora est un des piliers de notre économie. C’est 6160 milliards de francs Cfa de transfert d’argent en 2008, c’est 15% du Pib, 240% de l’aide publique au développement, 65% du revenu annuel de chaque sénégalais qui fait l’objet d’un transfert ; c’est au niveau de la santé de la construction, de l’entretien… Globalement, ce que les Sénégalais de l’extérieur font pour ce pays là, aucun autre segment ne le fait. On passe avant la pêche, on passe avant le tourisme, on passe même avant les Industries chimiques du Sénégal (Ics). Tous les fleurons qui sont les porte étendards de notre Pib, ce sont les Sénégalais de l’extérieur qui passent avant . C’est pourquoi, c’était légitime pour nous de rendre grâce à Me Abdoulaye Wade, qui a été le premier à reconnaitre la capacité d’intervention de cette diaspora là.
Et cette reconnaissance s’est traduite par la création du Ministère des Sénégalais de l’extérieur. Ce département a été intégré dans un ministère vaste comme le tourisme. Mais, il y a seulement un an (1er mai 2009), monsieur le président de la République et son chef de gouvernement, Me Souleymane Ndéné Ndiaye ont décidé d’ériger un Ministère des Sénégalais de l’extérieur vraiment autonome. Parce que prenant en charge trois choses essentiellement : la gestion, la protection et la promotion des Sénégalais de l’extérieur.
Ce que nous appelons la GPP. Dans cette dynamique là, on a mis en place un organigramme. On a une direction qui est chargée des affaires sociales ; c’est le consulat pratiquement des Sénégalais de l’extérieur. On a une direction d’appui à l’investissement et aux projets Daut , qui est la dimension investissement, qui ressort et qui se traduit par la réception de projets, son étude et son accompagnement. Et il y a la direction de la promotion de l’habitat des Sénégalais de l’extérieur. Quand le président parle de « un Sénégalais de l’extérieur, un toit », ce n’est pas seulement un slogan. Il a mis en place une politique, des outils qui permettent d’atteindre cet objectif. Enfin, on a une Dage (Direction de l’aménagement et de l’équipement), transversale, qui s’occupe de la logistique. Mais, à côté de ces directions, on a aussi un fonds d’appui à l’investissement des sénégalais de l’extérieur, C’est le Faise. La cellule de passation des marchés existe avec une cellule chargée de l’inspection.
Le chef de l’Etat parle très souvent de l’insertion des émigrés qui décident de rentrer au pays. Qu’est-ce qui est fait dans ce sens ?
Vous savez, l’émigration par essence est un acte volontaire. C’est dans la constitution du Sénégal qu’on autorise chaque sénégalais à aller tenter sa chance en dehors du Sénégal. C’est inscrit dans la constitution, précisément à l’article 14. Quand quelqu’un ne vous demande pas l’autorisation de sortir, il ne doit pas vous demander l’autorisation de rentrer. Quand bien même, on a mis en place un certain nombre d’outils. Le fonds d’appui à l’investissement des Sénégalais de l’extérieur est doté de 160 millions. Il sert à financer des projets initiés par des Sénégalais de l’extérieur et qui ne sont pas encore rentrés. C’est la première fois dans l’histoire du Sénégal indépendant que des contribuables Sénégalais débloquent de l’argent et financent un compatriote de l’extérieur. C’est toujours le mouvement contraire qu’on voyait. C’étaient les transferts qui venaient de l’extérieur, mais, pour la, première fois, le président de la République du Sénégal a décidé qu’à l’avenir, dans les ressources du budget national, il y a un fonds destiné aux financements des projets des Sénégalais de l’extérieur. Cela permet aussi de préparer leur retour, un retour volontaire, programmé, rationnel, rassurant.
Comment cela se passe concrètement avec ce fonds ?
Un Sénégalais établi à l’extérieur peut rester dans son pays d’accueil et bénéficier de ce fonds. La grande innovation c’est que de l’extérieur, le Sénégalais soumet son projet qui est étudié, paramétré et financé. Mais à côté de ceux-là, il y a que le fonds finance aussi les Sénégalais qui veulent revenir. Le fonds ne finance pas le retour, il finance le projet.
Est-ce que le faire suscite aujourd’hui un engouement réel de la part des Sénégalais de l’extérieur ?
Oui, aujourd’hui on a un portefeuille de 200 projets. On a un besoin de 10 milliards F cfa. Si aujourd’hui on avait 10 milliards, on allait financer peut être 200 projets. Ce ne sont pas les projets qui manquent mais plutôt les ressources. Il y a un engouement extraordinaire concernant le financement des projets des Sénégalais de l’extérieur.
Quelle est la philosophie qui sous-tend la création du Conseil supérieur des sénégalais de l’extérieur?
Pour cela, il faut faire l’historique. Je pense qu’il s’agit de redynamiser le Conseil supérieur des sénégalais de l’extérieur. Mais, il faut d’abord dire que le conseil n’est pas une institution parce que les institutions de la République sont définies limitativement par la constitution. Le Conseil supérieur des Sénégalais de l’extérieur n’est pas une institution, c’est un organe consultatif qui est placé aux côtés du gouvernement. On l’avait créé en 1995, on a fait des élections en 1998 et la première Assemblée générale entre le 21 et le 26 janvier 1999. Mais, depuis, c’est la léthargie totale. Et Me Abdoulaye Wade, dans sa magnanimité et dans le souci d’aller toujours à la rencontre de sa diaspora, a décidé à partir du 1er Mai 2009, dans notre lettre de mission, de nous recommander comme action prioritaire, la redynamisation du Conseil supérieur des Sénégalais de l’extérieur. Il est composé de 75 membres répartis au niveau de la diaspora. Les délégués sont ainsi répartis : Afrique 30 délégués, Europe 25, Pays arabes 10, Amérique, Canada et Australie 9 et Asie, 1. Le total fait 75 délégués. Vous savez que depuis 2007, il n’y avait plus de Conseil des Sénégalais de l’extérieur ; il y avait un mandat de 4 ans , renouvelable une seule fois. 2003, c’est le premier mandat et 2003-2007, c’est le deuxième mandat. Mais, comme on ne peut pas aller vers des élections compte tenu du temps qui nous est compté, nous avons évalué ce qui a été fait et mis en place un conseil provisoire transitoire. Ce conseil sera composé d’une part, d’anciens délégués qui étaient élus et qui sont encore actifs au niveau de leur pays d’accueil. Les élections, on les fera une fois l’évaluation faite. L’évaluation nous a permis de voir que le bénévolat ne marchait pas. L’ancien conseil était fondamentalement basé sur le bénévolat. Ils se prenaient eux-mêmes en charge en termes de transport d’hébergement et de restauration. Maintenant, dans le nouveau conseil, on prend en charge le billet d’avion. En plus, c’était le ministre des Affaires étrangères qui assurait la présidence du conseil, nous avons dit non ! Il faut que ce conseil puisse être dirigé par un des délégués. Et nous avons proposé au chef de l’Etat qu’il nomme par décret le président du Conseil supérieur des sénégalais de l’extérieur. Quand on préparait le budget au mois de mai dernier, on avait déjà intégré cette assemblée générale, qui doit être présidée par Me Abdoulaye Wade, que nous remercions beaucoup pour cet honneur fait à la diaspora. Il y a des voix qui s’élèvent pour dénoncer le mode de désignation des délégués… Comme je dis souvent, choisir, c’est éliminer. Je le dis encore une fois, il plus de 3 millions de Sénégalais de l’extérieur. Et ils sont tous méritants. Cet engouement signifie que chacun d’entre eux est prêt à servir son pays et cela, c’est encourageant. Cela veut dire que le président Wade ne s’est pas trompé quand il nous a demandé en priorité de redynamiser ce conseil. Il connait l’utilité de cet instrument.
Auteur: Moustapha SYLLA