Le nouveau découpage administratif n'arrange point les populations locales. Certains villages enclavés ont plus de mal aujourd'hui qu'hier.
Ceux qui soutiennent avoir compris la moindre chose de la philosophie du redécoupage de l’ancienne communauté rurale de Koulor peuvent se compter sur le bout des doigts. Les chefs et représentants de quelques 35 villages se sont retrouvés ce jeudi à Kothiary pour exprimer leur courroux face à la nouvelle donne, qui ne fait qu’accentuer leurs difficultés, et dire non à la logique des pouvoirs publics.Des villageois épiloguent sous l'arbre à palabre.
Ce jeudi à Kothiary, il y avait foule. De Sinthiou Nguidiwol à Kerkoté, en passant par Diamwelli Diallo, Diara ou encore Gambie, trente-cinq chefs et représentants de villages sur les soixante-quatorze que comptait l’ancienne communauté rurale de Koulor s’y sont donnés rendez-vous. Un seul sujet était au menu des discussions, « l’inexplicable redécoupage du nouveau arrondissement de Koulor ».
Le premier indice à être perçu par les populations comme étant une volonté de nuire plutôt qu’un souci de « rapprocher l’administration des administrés », est relatif à la taille du nouvel arrondissement de Koulor devenu bizarrement plus petit, du point de vue superficie, que l’ancienne communauté rurale du même nom. Celle-ci est amputée de Diara, Innallahi, Sinthiou Nguidiwol, Saré Ngayé, Saré Thiara, Dialloubé, Saré Thiapato, Saré Korobougou et même du village de Gambie qui se retrouveront dans l’autre communauté rurale nouvellement créée, Koar, mais cette fois-ci dans l’arrondissement de Bala.
« Nous croyions dur comme fer que l’objectif de ce redécoupage était de nous épargner certaines difficultés, mais là l’Etat n’a fait que nous en créer davantage. Depuis des siècles, les habitants de nos villages ne traversent pas le goudron, encore moins le chemin de fer pour des formalités administratives ou autres raisons d’ordre économique. En nous imposant de parcourir entre 25 et 5O km pour rallier Koar (sur les papiers on a pu lire que ces villages seraient à 6 ou 7 km du siège de la nouvelle communauté rurale de Koar, ce qui illustre la légèreté des arguments mis en avant), les pouvoirs publics créent une situation fortement préjudiciable au développement des deux contrées, car il est aussi clairement établi que nos réalités socio culturelles contrastent profondément » expliquera, au nom du chef de village de Gambie, Djibril Bâ.
Ici, les populations se sont vite fait une religion, « l’Etat a sa propre logique qui, dans ce cas de figure, ne cadre pas du tout avec celle des communautés » souligne-t-on, sinon, « comment comprendre qu’on avance qu’il y a eu des missions qui auraient fait un tour dans la région et qui n’ont pas eu la présence d’esprit de recueillir les différents points de vue des populations à la base » s’interroge-t-on. Fort heureusement, les soupçons portés sur les présidents des communautés rurales de Kothiary et de Koulor ont été relativement vite lavés, sinon, ce serait une éternelle guéguerre entre les villageois d’un même terroir.
Gambie et Koulor se partagent les mêmes champs, ils sont dans deux arrondissements différents.
Ceux qui croyaient dur comme fer que ce nouveau découpage allait être mis à profit pour corriger certaines incohérences ont vite déchanté. Les habitants de Botou par exemple, village situé à une dizaine de kilomètres de Tambacounda, continueront à traverser la commune de Tambacounda et aller à Sinthiou Malème pour leurs formalités administratives.
Les populations de Dialloubé, également à treize kilomètres de Tambacounda devront opérer une véritable odyssée pour se rendre à Koar, chef-lieu de la nouvelle communauté rurale dont elles dépendront désormais, situé à plus de quarante kilomètres. Le plus spectaculaire dans tout cela est que les villageois de Gambie et de Koulor se partagent les mêmes champs, Koulor demeure chef-lieu de communauté rurale et devient sous-préfecture, Gambie passe dans la communauté rurale de Koar située elle dans l’arrondissement de Bala. Les chefs de village qui ont voulu comprendre quelque chose se sont regroupés dans un collectif et diront avoir, pour ce faire, rencontré le sous préfet de Bala, mais apparemment celui-ci ne pouvait leur « être utile à grand chose ». Ils soutiennent vouloir s’en ouvrir dans les meilleurs délais directement au chef de l’Etat pour que le tir soir rectifié notamment avec l’érection de Sinthiou Nguidiwol en communauté rurale.
Même scénario du côté de Kédougou
Les mêmes aberrations sont perceptibles dans la nouvelle région de Kédougou où, par exemple, à partir du village de Dar Salam devenu chef-lieu de préfecture, vous apercevez le collège de Salémata, chef lieu de département. Tout le secteur d’Ebarak ou Ethiolo est royalement ignoré. Dans le secteur de Saraya, les populations du Dentila devront dévorer de nombreux kilomètres pour répondre à la sous-préfecture de la petite bourgade de Bembo, non sans avoir traversé Saraya. Khossanto, chef-lieu de la communauté rurale du même nom, ancienne capitale du Bélédougou, est aussi laissé sur le carreau au profit de Sabodala. Mieux, il est amputé de treize villages, souligne-t-on. On se le rappelle, le 7 septembre dernier, les populations s’étaient frottées aux forces de l’ordre, parce qu’elles avaient manifesté leur courroux en érigeant un bouchon sur la route. Elles signifieront à qui veut l’entendre tout leur engagement à lutter pour que cette situation puisse être revue pendant qu’il est encore temps.
Source : Tambacounda.info