L'incontournable et traditionnel face-à-face télévisé opposant les deux candidats du second tour s’est déroulé dans un climat aux réflexes un tantinet tumultueux à l’instar d’un OM / PSG. Ségolène Royal, en challengeur, jouait le trublion pendant que Nicolas Sarkozy, en leader, a lui joué la carte du didactisme. Il ouvre le bal avec beaucoup de sérénité en tenant, coûte que coûte, ses nerfs sous sa garde même si son calme « forcé » le trahissait visiblement. Elle, à son tour, aborde le débat de façon un peu brouillonne (stratégie oblige ?) mais bien dans ses baskets et qui, de par sa posture et sa façon de fixer son adversaire droit dans les yeux, semblait le déstabiliser. Lui la regardait, peu souvent, dans les yeux en se contentant de tourner son regard vers les journalistes et, parfois, en leur adressant même la parole en plus du petit jeu avec son stylo de temps en temps comme pour suivre religieusement les conseils qui lui ont été donnés.
C'est la toute première surprise du débat Mais s’il a eu du mal, au début, à prendre le dessus il a, tout de même, réussi à mettre son adversaire en difficulté sur les questions économiques (baisse du chômage, croissance, retraite, 35 heures…) en lui posant incessamment et de façon précise la même question, à la manière d’un journaliste, sur les 35 heures. Mais a-t-il vraiment réussi son coup devant la pugnacité de son adversaire en lui rétorquant « vous avez parfaitement compris mais vous faites semblant de ne pas comprendre » ? A son tour, Ségolène Royal ne rate pas l’occasion de saisir le grand classique des débats qui consiste à poser des questions très précises notamment sur les chiffres. C’est alors que l’on a vu un Nicolas Sarkozy en petit garçon devant sa maîtresse lui posant une question très précise sur le pourcentage de la part du nucléaire produite en France. Un candidat de droite flottant dans sa réponse en lançant sans conviction son chiffre de 50 %. « Non, c’est 17 % », dit la maîtresse. « Non madame ce n’est pas exact », et ce jusqu’à concurrence de trois fois cet échange. Cependant, ni la maîtresse ni l’élève n’avait donné le bon chiffre car, en réalité, la part du nucléaire produite en France est de 78 %. Quant aux 17 %, ils correspondent à la part du nucléaire dans toute l’énergie consommée en France. Le lapsus argué de ce quiproquo par Ségolène Royal sur France inter pourrait, en effet, se révéler fondé. Subodorant cet embrouillamini sur son adversaire qui tourne de l’œil, elle en profite pour enchaîner les questions sur l’EPR et sa nature. Et son adversaire qui - après avoir confondu l’EPR qui est un prototype et les centrales - répond, à tout hasard à la troisième question de la maîtresse à savoir « de quelle génération est ce prototype ? ». Réponse de l’élève : « quatrième génération ». « Non c’est la troisième génération », dit la maîtresse. On aura tout de même remarqué les attaques perverses de Nicolas Sarkozy sur François Hollande (compagnon de Ségolène Royal) comme pour la mettre en colère, il ne réussira pas sur ce coup car elle lui demande vertement de s’adresser à l’intéressé lui-même et que cela ne la concernait pas.
Mais le petit avocat, faute de pouvoir venir à sa propre rescousse, trouve l’habile méthode de provoquer la colère fortuite de sa rivale qui a toutefois su tenir la bride haute. C’est justement sur les questions de société (environnement, école, inégalités sociales, place des handicapés à l’école…), où elle a, d’ailleurs, repris le dessus - notamment sur la scolarisation des enfants handicapés - qu’intervient, après une bonne centaine de minutes de débat, l’autre surprise du duel ; cette colère, en tout cas inattendue sur ce sujet du handicap, dont la sincérité est, parfois, mise en cause. Loyale ou tartuffe, les mots ont vite été lâchés. On a atteint le « summum de l’immoralité politique ». La phrase « assassine » est lancée telle une banderille sur un adversaire - en chat doux - qui n’arrive pas à éteindre le feu qu’il a, lui-même, allumé. Calmez-vous madame ! Je ne me calmerai pas (là encore à trois reprises) avant d’ajouter qu’il y a des colères qui sont parfaitement saines après que son rival lui a fait remarquer qu’un président de la république doit être calme. Grosso modo, on aura vu dans ce duel une Ségolène Royal un peu confuse mais pugnace et très décontractée et, étonnamment, là encore une nouvelle surprise, un Nicolas Sarkozy - réputé coriace et tribun - calme, parfois réduit a qui a et vacillé sous un ton de Premier ministre devant une présidente de la république. A la question de savoir qui est sorti vainqueur de ce face-à-face, deux réponses. Ségolène Royal pour les socialistes (pour qui de par sa pugnacité et sa solidité à été à la hauteur du débat et bien capable de diriger la France) et Nicolas Sarkozy pour les militants de droite (en raison de son sang-froid et, selon eux, sa clarté). Mais au-delà de ce débat et de toutes ces discussions parfois à couteaux tirés, ce qui comptera par-dessus tout, c’est le verdict des urnes. Tout le reste n’est que supputations…
DIAGANA Abdoulaye-Bocar