« Le pouvoir et les services de renseignements sont allés jusqu’à saboter la Senelec pour que Samuel Sarr quitte le département de l’énergie », au profit du fils du président, Karim Wade, qui désormais, gère à lui seul près de la moitié du budget de l’Etat du Sénégal. Ce sont les propos de Souleymane Jules Diop. Dans sa dernière chronique « Deg Degg », essentiellement consacrée au « limogeage » de la semaine, le journaliste a dressé le portrait de Samuel Sarr », un ancien tôlard né en Gambie, devenu ministre de l’énergie au Sénégal, avec à la clé, un salaire net de 9 millions de Frcs.
Une bizarrerie historique
« On ne s’achemine pas vers un changement de politique au niveau de l’énergie au Sénégal, mais vers un changement d’homme », regrette d’emblée le journaliste, qui aurait préféré un changement d’orientation et non un changement de direction pour mettre fin à la crise de l’énergie. Jules Diop a aussi fait état de son indignation lorsqu’il a appris l’information relative aux trois bébés prématurés qui ont perdu la vie dans une maternité de Ziguinchor suite aux coupures intempestives d’électricité. Pour lui, ce drame regrettable aurait pu arriver à n’importe qui : « j’ai pensé aux parents des bébés, je me suis dit que moi aussi, çà aurait pu être mon cas, cela me rappelle une histoire personnelle… » Heureusement pour lui d’ailleurs…, parce que le cas échéant, ce n’est pas Abdoulaye encore moins Karim Wade qui lui apporterait des fleurs.
Le journaliste ne s’est pas fait prier pour commenter le cas « Samuel Sarr », qu’il considère comme une « bizarrerie historique » et sans précédent. «Au delà des enjeux financiers, seul Karim Wade pouvait remplacer Samuel », révèle-t-il, car c’était la meilleure façon, pour Abdoulaye Wade, de masquer la gestion nébuleuse de Samuel Sarr à tête de l’énergie, comme cela ce fut le cas de l’Anoci.
Un ancien tolard à la direction de l’énergie au Sénégal
Mais qui est réellement Samuel Sarr, à qui certains reprochent d’être un Sénégalais entièrement à part ? Pour les uns, c’est un « étranger », et pour les autres, un ancien tolard. SJD a l’air d’en savoir plus : « Samuel Amète Sarr, né à Banjul, de nationalité gambienne, était en charge de l’exploitation de l’énergie en Gambie. C’était un proche de Yayah Jammeh. Il a débarqué au Sénégal alors qu’il devait croupir en prison. A son arrivée, il avait été arrêté et emprisonné, puis renvoyé en Gambie où il sera de nouveau emprisonné. » Voilà le CV non exhaustif de Samuel Sarr, dont SJD révèle qu’il aurait menti sur ses diplômes qu’il dit avoir obtenus au Canada. Pis, il aurait fait chanter Abdoulaye Wade, qui a cédé, en le nommant à la direction de Senelec : « Samuel avait menacé de révéler des secrets dans l’affaire Me Sèye », le vice-président du Conseil Constitutionnel, assassiné en 1993. « C’était à l’époque des tractations pour la libération de Clédor Sène », un des assassins présumés du juge. Et quand il s’est agi de privatiser Senelec, Samuel Sarr a décliné ses ambitions pour prendre les rênes de l’entreprise. Le journaliste enfonce le clou et révèle que le désormais ex ministre de l’énergie « perçoit un salaire net de 9 millions de Frs, alors qu’il n’a ni la compétence encore moins les diplômes requis. Même le directeur de la BCEAO (Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest) ne gagne pas autant », se désole le chroniqueur, qui apporte d’autres précisions et parle de bizarrerie historique. « On lui a fait un signer contrat selon lequel, le jour où il quitte la Senelec (une société publique), il perçoit l’équivalent de son salaire pendant une durée de cinq ans. Cerise sur le gâteau, « il perçoit l’intégralité de sa paie (9 millions par mois) en une seule fois. Au total, cela fait 400 millions de Frs net, donc près d’un demi-milliard.
A quand le retour définitif de l’électricité dans les foyers sénégalais ? Jules Diop rappelle que le 15 octobre 2006, Wade avait annoncé publiquement la fin des délestages, après avoir injecté une fortune dans le capital de Senelec. Et comme par hasard, à cette date, les dakarois avaient été privés d’électricité pendant deux jours. D’où l’incompréhension voire l’indignation de bon nombre de nos compatriotes, le 26 avril 2007, lorsque Wade nomme Samuel ministre de l’énergie. Et bien avant la signature de son décret de limogeage de la direction de Senelec, « Samuel percevait déjà les 400 millions. Il avait même reçu un chèque de 22 millions de Frcs. » Alliant l’humour à la dérision, Jules Diop n’a pas manqué d’attaquer le ministre sur le physique : « il suffit de regarder les yeux de Samuel pour en savoir beaucoup sur la personne. Fallait le voir à l’assemblée nationale, sa cravate, ses grimaces. »
Quant aux investissements en cours pour redresser le secteur de l’énergie, Jules met en garde, et révèle que des lampadaires solaires ont été offerts gratuitement au Sénégal : « vous en entendrez parler dans peu de temps, ils vont dire qu’ils ont été ‘vendus’ à l’Etat du Sénégal. Plus de 30 000 lampadaires solaires ont été offerts au Sénégal, mais ils ne veulent pas que ce soit géré par Samuel Sarr », d’où l’une des raisons du départ de Samuel au profit de Karim Wade.
Parlant de la dualité entre le fils du président et le désormais ex ministre de l’énergie, SJD applaudit : « pour la première fois dans le PDS, Karim Wade s’est attaqué à un bandit ». Qu’en est-il alors des super-pouvoirs dont dispose le fils du président ? Jules n’est pas loin d’affirmer que le Sénégal est devenu une dictature qui fait penser à la Corée : « ce que Wade a fait, çà ne s’est jamais passé dans aucun pays au monde. Son fils contrôle le ciel, la terre, la mer, les airs, il contrôle tout. Même en Corée du Nord, où la dictature est une réalité, le fils du président ne dispose pas d’autant de pouvoirs.»
Momar Mbaye
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