Le Conseil d'Etat a annulé lundi, pour des raisons de forme, l'arrêté du ministère de l'Intérieur créant le fichier informatique Eloi de lutte contre l'immigration clandestine, à la satisfaction des associations qui voyaient dans ce fichier une atteinte aux libertés.
En annulant l'arrêté, le Conseil d'Etat, saisi par les associations, a fait valoir qu'un tel fichier ne pouvait être créé "que par décret en Conseil d'Etat après avis de la CNIL, et non par simple arrêté ministériel".
Le Conseil d'Etat a précisé que cette annulation "n'implique par elle-même aucune interdiction de créer à terme un fichier de la nature d'Eloi (puisque) le principe même de l'existence de ce fichier a en effet été autorisé par le législateur".
"Le fichier ne pourra voir le jour que lorsqu'un décret en Conseil d'Etat, pris après avis de la CNIL, sera venu préciser la durée de conservation et les conditions de mise à jour des informations enregistrées, les modalités d'habilitation des personnes pouvant y accéder ainsi que, le cas échéant, les conditions dans lesquelles les personnes intéressées peuvent exercer leur droit d'accès", a expliqué l'autorité administrative.
Pour justifier sa décision, le Conseil d'Etat souligne notamment que les informations collectées dans ce fichier incluaient "une photographie des étrangers faisant l'objet d'une mesure d'éloignement".
Or, un décret en Conseil d'Etat est "nécessaire pour définir les modalités de fonctionnement des traitements automatisés comprenant à la fois des empreintes digitales et des photos d'identité, mais aussi pour des traitements ne comportant que l'une ou l'autre de ces deux données", précise la juridiction.
Dès l'annulation connue, lundi en début d'après-midi, le ministère de l'Intérieur a annoncé qu'il saisissait lundi la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) d'un projet de décret pour créer le fichier informatique Eloi. Il a souligné que l'annulation répondait à "des motifs de pure forme", notant qu'"aucun des arguments selon lesquels ce fichier méconnaîtrait les libertés" n'avait été retenu.
Pour leur part, les associations qui avaient saisi la plus haute autorité administrative de l'Etat se sont réjoui de la suspension du fichier qui devait recenser les données des étrangers en situation irrégulière, "même s'il ne s'agit que d'un coup d'arrêt temporaire".
Le président de la Ligue des droits de l'homme (LDH), Jean-Pierre Dubois, s'est félicité qu'un "coup d'arrêt" ait été porté "à l'espèce de boulimie de chasse aux étrangers qui caractérise ce gouvernement".
"Nous en sommes heureux mais nous connaissons les limites des victoires juridiques", a-t-il confié, ajoutant: "Nous savons parfaitement qu'il y a une limite à cette décision fondée uniquement sur une question de procédure (...) mais c'est déjà une réaffirmation de l'état de droit".
"La vraie solution", a estimé M. Dubois, "est une solution de fond et ce n'est pas une juridiction qui peut l'apporter mais une alternance du législateur".
SOS Racisme s'est aussi félicité "de cette victoire remportée sur ce fichage illégal".
Le Gisti, qui avait requis le Conseil d'Etat en même temps que la LDH, Iris (Imaginons un réseau internet solidaire) et la Cimade, s'est félicité également que "certaines garanties de procédure en matière de constitution de fichiers" aient été rappelées.
Ces associations "regrettent toutefois que, en annulant l'arrêté pour incompétence, le Conseil d'Etat n'ait pas jugé utile de répondre aux arguments de fond que soulevait la requête, à savoir le caractère excessif et inadéquat des données collectées".
AFP, 20 Minutes