RÉUNION DE HAUT NIVEAU CONSACRÉE À UN EXAMEN D’ENSEMBLE DES PROGRÈS ACCOMPLIS DANS LA MISE EN ŒUVRE DE LA DÉCLARATION D’ENGAGEMENT SUR LE VIH/SIDA ET DE LA DÉCLARATION POLITIQUE SUR LE VIH/SIDA
Déclarations liminaires
M. SRGJAN KERIM, Président de la soixante-deuxième session de l’Assemblée générale de l’ONU, a rappelé que la lutte contre le VIH/sida est fondamentale dans la recherche de « la dignité et de la valeur de la personne humaine », reprenant des termes toujours pertinents de la Charte des Nations Unies. Cette réunion nous donne l’occasion de faire le point sur la mise en œuvre de nos engagements et d’évaluer ce que nous n’avons pas encore pu réaliser sur la voie de l’objectif d’accès universel en 2010 et pour atteindre les Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD). Nous avons fait des progrès pour réaliser ces Objectifs, a-t-il noté, mais ils n’ont pas été suffisamment rapides. M. Kerim a souligné que le fait que ces progrès soient insuffisants affecte profondément tous les aspects du développement humain. Nous ne pouvons pas progresser dans la lutte contre la faim et la pauvreté quand des millions de personnes meurent chaque année du sida, a-t-il en effet fait remarquer. De même, on ne peut pas avancer dans l’éducation universelle, quand il y a plus d’enseignants qui meurent du sida que de personnes qui sont formées pour enseigner. On ne peut pas non plus réaliser l’autonomisation des femmes, alors qu’elles sont les plus vulnérables par rapport à la maladie.
Dans le rapport du Secrétaire général, il est précisé que, si on réussit à atténuer l’impact de la pandémie, on pourra progresser dans la lutte contre la pauvreté et la faim, ainsi que dans la réalisation des Objectifs nºs 4 et 5 (améliorer la santé infantile et maternelle). Le Président de l’Assemblée a appelé à continuer de s’intéresser particulièrement à la région de l’Afrique subsaharienne, où on dénombrait, en 2007, 68% des adultes vivant avec le VIH, 90% des enfants infectés et 76% des morts dus au sida dans le monde. Le nombre de personnes qui ont besoin d’être traitées dépasse les moyens disponibles, a-t-il relevé. Il a aussi souligné qu’il est essentiel de s’informer sur la maladie pour lutter contre elle, tout en constatant cependant que les jeunes sont encore trop peu informés. Nous devons donc intensifier nos efforts de prévention. Il a également attiré l’attention sur les catégories de population les plus vulnérables, comme par exemple, les enfants atteints du VIH, qui bénéficient moins souvent de traitement que les adultes. Il y a aussi les femmes, qui représentent 61% des adultes infectés en Afrique, a encore précisé M. Kerim. Le problème du VIH est lié à l’OMD nº 3, dont les efforts de réalisation visent la promotion de l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes. Prévenir la transmission du VIH de la mère à l’enfant reste encore un défi, a-t-il noté, rappelant que les enfants représentaient en 2007 1 infection sur 6. Il a aussi évoqué le problème des orphelins du sida.
Comme les États Membres l’ont conclu en avril dernier lors du débat général thématique sur les OMD, les systèmes de santé nationaux doivent être renforcés, notamment avec de meilleurs outils de diagnostic, a rappelé le Président de l’Assemblée. L’expérience a prouvé qu’une bonne direction donnée aux efforts de prévention contribue à réduire les cas d’infection, a-t-il fait observer. Il faut aussi veiller à ce que les personnes atteintes de la maladie, qui sont vulnérables, soient bien protégées, et que des ressources suffisantes permettent de leur donner les soins appropriés. Le Président a donc appelé à ce qu’un tournant décisif soit pris dans les efforts visant à faire de l’accès universel aux médicaments une réalité.
M. BAN KI-MOON, Secrétaire général des Nations Unies, a rappelé qu’il y a deux ans, les États Membres de l’ONU avaient fait la promesse d’intensifier l’accès universel à la prévention du VIH, à son traitement et aux soins d’ici à 2010. Faisant le point sur les efforts pour respecter cet engagement, il a déclaré que son rapport sur cette question montrait que des réalisations importantes avaient été réalisées. À la fin de l’année dernière, 3 millions de personnes avaient accès au traitement antirétroviral dans les pays à bas et moyen revenus, leur permettant de vivre plus longtemps et d’avoir une meilleure qualité de vie, a-t-il indiqué. Il a également fait observer qu’il y a des tendances encourageantes en ce qui concerne la fourniture de services de santé pour les femmes et les enfants, y compris pour la transmission mère-enfant. Cela montre ce que la volonté politique peut accomplir, a-t-il estimé.
Toutefois, le Secrétaire général a souligné que l’année dernière, il y a eu 2,5 millions de nouvelles infections, plus de 2 millions de décès. Notre défi désormais est de continuer ce que nous avons lancé, combler les lacunes qui existent et accélérer nos efforts dans les années à venir, a-t-il poursuivi. Il faudrait, a-t-il souligné, augmenter les niveaux d’engagement et de financement. Rappelant qu’en septembre prochain, l’Assemblée générale se réunira pour examiner les progrès dans la mise en œuvre des Objectifs du Millénaire pour le développement, il a déclaré que la lutte contre le sida avait un impact sur la réalisation de tous ces Objectifs, dont la lutte contre la pauvreté, la réduction de la mortalité infantile et la lutte contre le paludisme et la tuberculose.
En outre, le Secrétaire général a noté que cette année marquait le soixantième anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme. Six décennies après son adoption, il est choquant qu’il existe encore une discrimination envers ceux qui sont à haut risque, comme les hommes qui ont des relations sexuelles avec des hommes ou qu’on stigmatise ceux qui vivent avec le sida, a-t-il dit. Le Secrétaire général s’est dit déterminé à faire des Nations Unies un endroit de travail modèle envers le personnel atteint du VIH/sida. À travers le monde, le Secrétaire général a appelé à un changement des lois qui stigmatisent et discriminent, y compris en ce qui concerne les restrictions de déplacements des gens atteints du VIH/sida. Enfin, il a exprimé sa gratitude à M. Peter Piot, Directeur exécutif d’ONUSIDA, pour son rôle dans la lutte contre le sida.
M. PETER PIOT, Directeur exécutif d’ONUSIDA, a estimé qu’il était toujours bon que l’optimisme triomphe sur le pessimisme, en notant que 3 millions de personnes avaient aujourd’hui accès à un traitement antirétroviral. Mais il a regretté que plus de deux tiers des séropositifs n’y aient pas accès. Il a rappelé que 6 000 personnes meurent par jour dans le monde à cause du VIH/sida qui est la principale cause de décès en Afrique et la septième cause de décès dans le monde. Sur cinq personnes infectées, une seule personne pourra recevoir un traitement antirétroviral cette année, a-t-il fait remarquer. M. Piot a insisté sur l’importance de passer à une nouvelle phase sur la façon de traiter le VIH/sida et de viser l’accès universel au traitement. Il faut investir dans les services de santé et s’assurer que les première, deuxième et troisième lignes de médicaments soient disponibles partout pour toutes les victimes quel que soit leur style de vie. Il a mis l’accent sur l’importance d’intensifier la prévention du VIH/sida. Il n y a pas de solution simple et c’est pourquoi, il faudrait adopter des approches multiples en matière de recherche, a-t-il ajouté, en soulignant l’importance d’intensifier la recherche sur un vaccin du VIH/sida. Il est temps de s’attaquer à la vulnérabilité des femmes, à l’homophobie et à toutes les discriminations qui rendent difficile la gestion de ce problème. Il a souhaité que soient supprimées toutes les restrictions appliquées aux personnes séropositives. Le Directeur d’ONUSIDA a souligné l’importance d’augmenter les ressources et moyens affectés à la lutte contre le VIH/sida. Il a indiqué que même si les fonds ont considérablement augmenté depuis la création du Fonds mondial, la réalité est que la réponse au VIH/sida demeure sous-financée puisqu’il manquait 8 milliards de dollars en 2007. Si nous voulons atteindre l’objectif de traitement universel, le monde devra redoubler d’efforts et les moyens devront être disponibles au moment où nous en avons besoin. Nous avons parcouru un long chemin depuis la session spécialede l’Assemblée générale en 2001 consacrée au VIH/sida, a-t-il conclu, en notant qu’il faudra encore du temps sur la longue route de la lutte contre le VIH/sida.
Mme RATRI SUKSMA, de la Coordination pour la recherche sur le sida et la mobilité (CARAM-Asie), a pris la parole au nom de la société civile. Rappelant l’engagement pris en faveur de la promotion d’un accès universel aux médicaments en 2010, elle a demandé si cet objectif restait d’actualité. Elle s’est interrogée sur les conséquences du fait que l’épidémie touche des catégories particulières de personnes, comme les travailleurs du sexe, les hommes qui ont des relations sexuelles avec des hommes et les toxicomanes. En effet, ces personnes se voient souvent refuser le traitement et le soutien dont ils ont besoin, a-t-elle regretté. Mais, a-t-elle averti, si un groupe se voit refuser les soins dont il a besoin, alors l’épidémie ne sera jamais éradiquée. Ces groupes ont besoin de recevoir des services qui répondent à leurs besoins, mais malheureusement on les pousse dans la clandestinité et ils ne vont donc plus rechercher l’aide qui devrait leur être apportée. Nous devons veiller à revoir les législations qui bloquent l’accès universel, a-t-elle demandé. Elle a proposé de promulguer des lois plus favorables, qui encouragent par exemple l’utilisation de préservatifs par les clients des travailleuses du sexe.
Mme Suksma a aussi invité l’Assemblée à lutter parallèlement contre l’hépatite. Précisant qu’elle-même vivait avec le VIH, elle a fait remarquer que cette déclaration sur la place publique pourrait lui fermer des portes et des frontières. Elle a aussi expliqué comment, en tant que femme, on pouvait l’accuser d’apporter cette maladie dans son propre foyer. Je dois être en mesure de gérer toutes les questions liées à ma santé et à ma sexualité, a-t-elle déclaré. Elle a aussi souhaité recevoir un soutien en sa qualité de mère. Enfin, Mme Suksma a préféré ne pas pointer du doigt ce qui ne va pas, mais elle a exhorté l’Assemblée à faire preuve de volonté et à agir, pour que soient réalisés les engagements qui doivent être concrétisés en 2010.
M. ANTHONY S. FAUCI, Directeur de l’Institut national sur les allergies et les maladies infectieuses des États-Unis, a fait valoir que le sida était devenu un des fléaux les plus dévastateurs de l’histoire humaine. Il a constaté que la plupart des cas apparaissaient dans des pays pauvres, où le VIH/sida vient s’ajouter à d’autres problèmes graves, tels que la pauvreté, l’insécurité alimentaire, le manque d’eau potable et autres maladies graves. Il a aussi noté que le monde développé avait été le premier à profiter des fruits de la recherche sur le sida. Toutefois, il a souligné que, ces dernières années, des programmes comme le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme ainsi que d’autres initiatives de gouvernements, d’ONG ou de philanthropes avaient accompli un travail héroïque pour rendre les traitements accessibles à ceux qui en ont le plus besoin. Tout en notant que 3 millions de personnes dans les pays à bas et moyen revenus recevaient désormais un traitement antirétroviral, il a regretté que cela ne représente que 30% de ceux qui ont besoin d’un traitement. Il faut faire plus et les succès récents doivent nous donner l’élan pour accélérer nos efforts, a-t-il poursuivi.
M. Fauci a avoué que fournir un traitement à vie pour n’importe quelle maladie était une tâche difficile, particulièrement dans les pays pauvres qui sont confrontés à d’autres problèmes économiques, sociaux et de santé. Il a insisté sur l’importance de combler le « fossé de la mise en œuvre », mettant notamment en avant la nécessité de former des professionnels de la santé. « Je suis convaincu que l’objectif d’un accès universel aux services de traitement du VIH/sida est un impératif moral », a-t-il déclaré. Toutefois, M. Fauci a estimé qu’il serait peut-être impossible d’atteindre ce but alors que le nombre de nouvelles infections diminuent la capacité de traiter tous les malades. C’est pourquoi, la prévention est essentielle. Dans ce cadre, le changement des comportements, la distribution des préservatifs, la prévention de la transmission mère-enfant et la fourniture de seringues propres sont nécessaires, a-t-il souligné, regrettant cependant que seul un cinquième des personnes à risque ait accès à ces mesures préventives.
Le Directeur de l’Institut national sur les allergies et les maladies infectieuses des États-Unis a estimé qu’un vaccin contre le sida demeurait le plus grand espoir pour mettre un terme à la propagation du VIH/sida. Notant que cette recherche était difficile en raison de la nature unique du virus, il a admis que cette dernière année avait été décevante en la matière. Toutefois, il a noté que l’élaboration d’un vaccin pouvait prendre des années et a affirmé que cette recherche exigeait une détermination sans faille. M. Fauci s’est déclaré convaincu que de nouvelles mesures et des services efficaces liés au VIH/sida pour tous ceux qui en ont besoin, peu importe où ils vivent, exigeaient la volonté politique, un engagement financier et scientifique à long terme ainsi que la détermination de tous les secteurs de la société.