DAKAR, 21 octobre 2008 (IRIN) - Des dizaines de jeunes Mauritaniens récemment rapatriés du Sénégal retraversent la frontière pour retourner au sein de communautés de réfugiés installés dans le pays de longue date, les écoles mauritaniennes n’étant pas prêtes à les accueillir, selon ces jeunes.
Hadry Yaro, 18 ans, est retourné à Dodel, dans le nord du Sénégal, le 17 octobre. « Il n’y avait pas de classes pour nous [en Mauritanie]. On aurait dit que personne ne s’attendait à ce qu’on soit là. Je dois terminer l’école, alors je suis rentré seul et je vis avec mon oncle à Dodel ».
Depuis que des violences ethniques et des mesures de sécurité sévères ont forcé des dizaines de milliers de Mauritaniens, noirs pour la plupart, à quitter le pays, il y a près de 20 ans, une majorité d’entre eux se sont installés dans les communautés de Dodel et de N'dioum, près de là, et des milliers vivent au Mali.
Amadou Samba Bâ, l’oncle d’Hadry, participe à la coordination des activités menées par les réfugiés dans plus de 270 camps de réfugiés situés le long de la frontière entre la Mauritanie et le Sénégal ; il est également le représentant élu des réfugiés de Dodel.
Selon lui, les autorités mauritaniennes n’ont pas pu satisfaire les besoins des élèves réfugiés.
« Pour le début de l’année scolaire [en Mauritanie, le 5 octobre], les autorités locales de Brakna [principale région de réinstallation] viennent juste de commencer à construire des salles de classe supplémentaires il y a un mois. Parmi les élèves qui ne peuvent pas encore être accueillis, certains se sont remis à faire de l’élevage, et d’autres reviennent au Sénégal [pour aller à l’école] », a-t-il dit.
Au Sénégal, l’année scolaire a commencé le 13 octobre. Toutefois, Mohamed Lamine Ould Dadde, nommé haut-commissaire aux droits de l'homme et aux relations avec la société civile à la suite du coup d’Etat en Mauritanie, a assuré à IRIN qu’il n’avait entendu parler d’aucun problème concernant l’inscription scolaire des jeunes réfugiés.
« Je me suis rendu à Brakna et personne ne m’a informé d’aucun contretemps qui aurait empêché, de quelque façon que ce soit, les jeunes rapatriés d’aller à l’école. Aucune raison n’explique pourquoi 60 jeunes seraient retournés au Sénégal pour aller en classe ; cela ne représente que deux classes, que nous aurions pu trouver facilement », a-t-il dit.
Le rapatriement des réfugiés, auquel contribuent les Nations Unies, a commencé en janvier 2008 ; arrivés en Mauritanie, la plupart des réfugiés rapatriés sont réinstallés à Brakna, une région frontalière composée des communautés Boghe, Eleg et Bababe, et située à plus de 200 kilomètres de Nouakchott, la capitale.
Plus de 4 700 réfugiés, sur les plus de 30 000 qui vivaient au Sénégal, selon les estimations, ont été réinstallés en Mauritanie, selon les Nations Unies.
M. Bâ, le représentant des réfugiés, a dit à IRIN que le putsch militaire du 6 août en Mauritanie avait mis une fin effective au rapatriement, et qu’il n’encouragerait aucun réfugié à retourner dans le pays tant que les dirigeants militaires ne se seraient pas retirés.
« L’armée était au pouvoir quand nous avons été chassés [en 1989, sous le régime du président Maaouya Ould Taya]. Si nous rentrons au pays, nous n’avons plus aucune garantie de sécurité maintenant que l’armée [sous la direction de Mohamed Ould Abdelaziz] est une nouvelle fois à la barre. Et personne ne se charge non plus de tenir les promesses que le président [déchu] Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi avait faites aux réfugiés pour nous inciter à rentrer ».
Mohammed Vall Ould Bellal, ambassadeur de Mauritanie au Sénégal, qui supervise le rapatriement en tant que principale personne contact entre les deux gouvernements et les Nations Unies, a néanmoins rejeté les préoccupations des réfugiés selon lesquelles leurs besoins auraient été mis de côté au profit de la politique nationale.
« Le coup d’Etat n’a eu aucune répercussion sur les efforts de rapatriement. La réinsertion de milliers de personnes n’est pas une tâche aisée », a-t-il dit.
« Il y a des besoins essentiels à satisfaire en vivres, en hébergement et en eau. L’éducation est sur la liste, mais nous ne pouvons pas nous atteler à toutes les tâches en même temps », a-t-il expliqué, ajoutant que les contretemps qui avaient retardé les constructions étaient dus aux pluies et à des questions administratives, et non à des événements politiques.
Source : IRINNEWS