De gauche comme de droite, « les petits candidats », victimes du vote utile et donc d’un 21 avril à l’envers, se rendent à l’évidence et appellent à tire-d’aile – pour les gauchistes – au rassemblement pendant que les autres – extrême-droite – opposent leur refus à toute consigne de concours.
C’était il y a 5 ans, jour pour jour, par un silence assourdissant, commençait un cauchemar plongeant les socialistes dans un coma électoral qui a pris fin ce dimanche soir. Les sondeurs avaient bien dit vrai, Ségolène Royal, 53 ans, et Nicolas Sarkozy, 52 ans, s’affronteront le 6 mai 2007, au second tour de l’élection présidentielle et le « tsunami » claironné par Jean-Marie Le Pen a avorté.
En tête de ce scrutin, Nicolas Sarkozy avec 31,18 % des voix, Ségolène Royal 25,87 %, François Bayrou 18,57 %, Jean-Marie Le Pen 10,44%. A gauche, les petits candidats – Marie-George Buffet 1,93%, Dominique Voynet 1,57%, Arlette Laguiller 1,33% – appliquent la règle du tout sauf Sarkozy dès dimanche soir et appellent à voter Ségolène Royal. Il en est de même pour Olivier Besancenot (4,08%) et le célèbre altermondialiste José Bové (1,32%) qui qualifient Nicolas Sarkozy de candidat dangereux ou encore de candidat génétiquement modifié et qui préfèrent parler de battre la droite pour ne pas nommer Ségolène Royal. Frédéric Nihous 1,15%, et Gérard Schivardi 0,34% eux n’ont, encore, donné aucune consigne de vote.
Quant à l’extrême-droite, Philippe De Villiers 2,23% se réfugie derrière l’idée selon laquelle il n’est pas propriétaire de ses voix et que ses électeurs sont libres de leur choix. Alors que le Front National, par la voix d’une Marine Le Pen estomaquée, indique que ses électeurs ne seront pas vendus. « J’ai dû faire une erreur d’appréciation en croyant que les Français étaient mécontents, je me suis trompé, les Français sont très contents, la preuve ils viennent d’élire, confortablement, ceux qui étaient au pouvoir », a dit Jean-Marie Le Pen, le grand perdant qui fait le bon perdant en appelant ses militants à fêter la défaite avant de trouver son chemin de Damas en danseur professionnel au milieu des militants pour ironiser ou contourner l’opprobre face à cet autre 21 avril avilissant. Il s’est pointé, dans un discours ésotérique, comme étant un des arbitres de ce second tour. C’est dire qu’aucune consigne de vote n’a été jusque-là enregistrée pour le compte de Nicolas Sarkozy. Pour autant, tout laisse à croire que rien n’est encore joué, étant donné que l’ensemble de l’électorat de gauche ne représente que près de 37%, même si 45% de l’électorat de François Bayrou profite à Ségolène Royal contre 39% à Nicolas Sarkozy alors que les 16% ne s’expriment pas. François Bayrou, lui, est manifestement le patron, la star et l’arbitre de ce second tour. Car tout se joue désormais de son côté avec ses précieux 18,5%. L’on se demande ce que deviendront les voix de ce troisième homme, devenu l’espace d’un entre-deux tours l’homme le plus courtisé de France, le pivot de ce second tour qui n’a lui aussi donné aucune consigne de vote et qui ne semble, d’ailleurs, pas revenir en arrière. « La politique française a changé ce soir, elle ne sera plus jamais comme avant…il y a, enfin, un centre en France, un centre large, fort et indépendant capable de parler et d’agir au-delà des frontières d’autrefois », a-t-il martelé avant de poursuivre qu’il ne faut plus continuer de faire la politique comme avant. L'on s'attend même au nouveau parti Bayrou. Un Bayrou « muet comme une carpe » jusqu’à mercredi où il devra s’exprimer lors d’une conférence de presse.
Le fiasco électoral est donc désormais patent, d’un côté comme de l’autre, et la chasse aux voix Bayrou a d’ores et déjà commencé. Ségolène Royal, en meeting à Valence, joue la politique de la main tendue en appelant au dialogue public dans le but de trouver des points de convergence avec François Bayrou à qui elle aurait laissé un message sur le portable avant d’évoquer un certain nombre de projets dont l’idée d’Etat impartial, un des chevaux de bataille de François Bayrou. « Pour moi, il ne peut y avoir d’Etat que s’il est impartial », disait-il lors de son interview du 3 novembre 2006 en Nouvelle-Calédonie en parlant de perspectives de développement économique.
Quant à Nicolas Sarkozy, il appelle à la construction d’un parti multipolaire avant d’exclure toute forme de marchandage. Epaulé qu’il est par Gilles de Robien (ancien Bayrouiste) et l’énigmatique Eric Besson, ancien secrétaire nationale du PS (Royaliste ?) et auteur des deux pamphlets contre les deux prétendants à l’Elysée ; dans le premier, il participe à la stratégie de diabolisation du président de l’UMP, le qualifiant de « néo-conservateur américain à passeport français ») et dans le second, intitulé « Qui connaît Madame Royal », publié le 20 mars dernier aux éditions Grasset après son divorce avec le parti socialiste le 14 février dernier, il accuse Ségolène Royal de « populisme » avant de poursuivre que « seule sa propre gloire la motive, elle use et abuse de démagogie » .
Mais le grand gagnant de ces élections c’est aussi le citoyen, cette mobilisation singulière des Français avec 84,6% de taux de participation. Taux qui frise le record inégalé de participation de 1965 où l’on enregistrait un taux de 84,75%. Tout compte fait, l’inévitable et traditionnel face-à-face opposera, bien sûr, Nicolas Sarkozy à Ségolène Royal mercredi sur TF1. Que décideront, finalement, ces indécis Royalistes illico Bayrouistes puisque très peu convaincus par Ségolène Royal ? Mais d’aucuns, d’un côté comme de l’autre, se posent aussi la question de savoir si les Français sont prêts à élire un Sarkozy issu de l’immigration ou encore une Ségolène (une femme) à la tête d’une France où la phallocratie a encore sûrement de beaux jours devant elle.
DIAGANA Abdoulaye-Bocar