Depuis la nuit des temps, les Soninkés ont été de grands voyageurs. Chez eux, l’émigration se conjugue à tous les temps. À Diawara (département de Bakel), il n’y a pas une seule famille qui ne soit concernée par l’émigration. Cette localité située sur la rive gauche du fleuve Sénégal, à la frontière avec la Mauritanie et non loin du Mali, compte une importante diaspora à l’étranger, notamment en Europe et aux États-Unis. Ce qui fait dire à certains que Diawara est une ville qui compte plus de Français que de Sénégalais.
Ceux qui foulent pour la première fois le sol de Diawara, commune qui se trouve à quelque 18 km de Bakel, ne pourraient point cacher leur enchantement. Ceux qui tentent l’aventure sont éblouis et séduits par le rythme de développement de cette ville qui respire tout simplement le bonheur et offre une singulière hospitalité et une magie captivante. Tous ces acquis, Diawara les doit à sa diaspora éparpillée aux quatre coins du monde.
Érigé en commune en 2002, Diawara, selon son chef de village, existe depuis le XIe siècle, après la dislocation de l’empire du Ghana.
Ceux qui foulent pour la première fois le sol de Diawara, commune qui se trouve à quelque 18 km de Bakel, ne pourraient point cacher leur enchantement. Ceux qui tentent l’aventure sont éblouis et séduits par le rythme de développement de cette ville qui respire tout simplement le bonheur et offre une singulière hospitalité et une magie captivante. Tous ces acquis, Diawara les doit à sa diaspora éparpillée aux quatre coins du monde. Érigé en commune en 2002, Diawara, selon son chef de village, existe depuis le XIe siècle, après la dislocation de l’empire du Ghana. Selon El Hadji Bano Sakho, les Sakho sont les premiers habitants du village. « Diawara est composé de trois grandes familles qui représentent les trois grands quartiers : Sakhola, les Koïtala et Woudouga », explique t-il. Les Sakho, selon lui, détiennent également le titre de chef de village.
Avec le temps, Diawara s’est agrandi ; et selon Boubacar Sidy Sakho, directeur de l’école de Diawara 1, note que les Sakho seront rejoints plus tard par les Bomou. Traditionnellement, précise-t-il, ces derniers jouent le rôle de médiateurs. Ils sont aussi chargés d’exécuter des commissions. Ces deux ethnies seront rejointes par d’autres dont la famille Bâ, originaire de Mboumba dans le Fouta, chassé par le roi de cette localité. « Ils ont longé le fleuve Sénégal. Tous les villages qu’ils ont traversés leur ont refusé l’asile. Face à ce refus, les Bâ continuent leur fuite. Ils se sont retrouvés à Diawara à la place de Garankoumé. Le lieu que la famille Sakho leur a choisi pour attendre les poursuivants des Bâ. Ils ont demandé aux Bâ de rester derrière eux, et qu’ils allaient les défendre. Les guerriers des Diawara ont creusé un grand trou à l’entrée du village pour attendre les poursuivants des Bâ », nous confie Boubacar Sidy Sakho. « Quand ces derniers sont venus, il y a eu des échanges de coups de feu. Finalement, les guerriers Diawara ont fait fuir les poursuivants », explique-t-il. Bien que le village porte le nom de Diawara, explique M. Sakho, aucun habitant ne porte le ce nom jusque-là. Au moment de leur installation, les Sakho n’avaient pas donné de nom à leur village. C’est plus tard que le village portera le nom de Diawara, entouré par les villages de Yélingara et de Woundou Baba. « À l’époque, les habitants de Yélingara dont le nom de famille était Diawara avaient leurs champs sur l’actuel emplacement du village de Diawara. La famille Sakho est venue acheter ces champs avec de l’or pour s’y installer », nous confie - t-il. En saison sèche quand il n’y avait plus d’eau dans la brousse, les habitants de Yélingara venaient abreuver leurs chevaux au fleuve. Ils se posaient des questions en se demandant où se trouvaient les Sakho, les gens venus de l’empire du Ghana. On leur répondait en disant qu’ils se trouvaient à l’endroit où les Diawara (les habitants de Yélingara) font boire leurs chevaux. Finalement, c’est devenu Diawara. Aussi, Diawara a eu à participer à la lutte contre le colonialisme aux côtés du marabout soninké Mamadou Lamine Dramé. Il y a eu des représailles sur les populations de Diawara pourtant averties par une dame ressortissante du village et qui vivait à Bakel. Malgré tout, les populations de Diawara seront massacrées par les colons pour leur soutien au marabout résistant Mamadou Lamine Dramé.
Située sur la rive gauche du fleuve Sénégal, à la frontière avec la Mauritanie et non loin du Mali, cette localité relevant du département de Bakel est habitée pour la plupart par des Soninkés qui comptent une importante diaspora à l’étranger, notamment en Europe et aux États-Unis.
L’émigration, une affaire de famille L’émigration est considérée comme un moyen de lutte contre la pauvreté et un gage de sécurité sociale pour les populations demeurant au pays. Ces dernières bénéficient amplement des retombées économiques de l’émigration. Depuis près d’un siècle, nombre de gens ont pris le chemin de l’émigration. Ce phénomène, loin de s’arrêter, va se poursuivre et même connaître un développement considérable. Une nouvelle migration va alors commencer. Les jeunes des nouvelles générations vont suivre les traces de leurs parents, surtout vers la France, pour trouver une vie meilleure ailleurs. C’est dans cette partie du pays, habitée en majorité par des Soninkés, qu’on retrouve plus d’émigrés. Diawara observe que la population africaine est la plus mobile au monde. La localité qui reste le premier fief d’origine des expatriés, en particulier ceux vivant en France. Les premiers émigrants se sont mariés et ont constitué des familles ; des enfants sont nés et le plus souvent dans le pays de résidence. Beaucoup d’entre eux ont cependant obtenu la nationalité française. De son côté, le chef de village de Diawara, El Hadji Bano Sakho, a loué l’apport inestimable des émigrés de Diawara à travers le COREDIA. Toutefois, M. Sakho, âgé plus de 80 ans, déplore l’analphabétisme et de l’ignorance qui sont la source du retard de développement économique de la zone. Pour Sakho Dramane, porte-parole du chef de village, Diawara compte une importante diaspora à l’étranger, notamment en Europe et aux États-Unis. Dans cette localité, pratiquement, il n’y a pas une famille qui n’a pas au moins un membre ou deux de la famille qui vit de l’autre côté de la Méditerranée. C’est une règle. Selon certains, Diawara compte plus de Français que de Sénégalais.
Un frein à l’éducation À Diawara, et même dans les villages environnants, les l’émigration constituent un facteur très important dans le développement économique de la ville. Mais elle a des effets profonds sur le système éducatif. Nombreux sont les jeunes à avoir abandonné leurs études pour aller à l’étranger. « Rares sont les familles qui n’ont pas d’émigrés. Une famille se réjouit plus quand on lui dit que votre enfant est arrivé en France et a des papiers français que leur enfant a eu le Bac ou la licence ou la maîtrise », regrette l’enseignant. Cette tendance vers l’émigration se fait ressentir dans l’enseignement. « Cela nous crée des problèmes à l’école. Beaucoup de jeunes du village croient que quand on n’émigre pas, on ne réussit pas dans la vie. Et malheureusement à Diawara, on ne laisse pas les enfants poursuivre leurs études. Ils arrivent au BFEM, on les retire. Ils arrivent au Bac, on les amène en France. Certes, ils envoient de l’argent, mais ils restent en France pour travailler », note-t-il. Sa conviction est que les parents d’élèves n’envoient leurs enfants à l’école que pour qu’ils apprennent à lire et à écrire, en attendant de les amener en France. « Nous ne faisons que fabriquer des émigrés à Diawara. L’émigration a de beaux jours devant nous. La crise en Europe ne peut pas entrer dans la tête des candidats. À Diawara, vous pouvez compter plus de Français que de Sénégalais », a-t-il martelé. Avant de saluer : « J’ai servi ailleurs et j’aimais beaucoup le comportement des populations qui aimaient l’école. Elles font tout pour maintenir leurs enfants à l’école, contrairement à celles d’ici (NDLR : à Diawara). « À Diawara et même dans la zone, les populations réclament très souvent des sages-femmes, mais elles n’acceptent pas que leurs filles continuent leurs études », déplore le directeur de l’école Diawara 1. Actuellement, a-t-il constaté, la tendance change. « On laisse les filles continuer leurs études », note-t-il.
DEVELOPPEMENT DE LA COMMUNE : Un eldorado qui attire des populations venues d’ailleurs L’émigration est reconnue comme une source de devise. Les investissements qu’effectuent les émigrés dans leurs villes d’origine contribuent à leur croissance économique. Le Comité de rénovation de Diawara est la cheville ouvrière du nouvel essor de la commune. À Diawara, commune d’environ vingt mille âmes, les émigrés sont ainsi l’un des premiers agents de développement. Cette localité donne les signaux d’un développement local viable. Depuis quelques années, grâce au concours de ses braves émigrés, la ville de Diawara se démarque des autres communes du département de Bakel. En effet, la plupart des infrastructures sociales de base ont été réalisées par des émigrés. À Diawara, tout était à refaire il y a quelques années. Le décor n’était guère enviable. C’était un gros village qui peinait à tirer son épingle du jeu malgré les efforts de ses ressources humaines mobilisées autour du Comité de Rénovation de Diawara (COREDIA) qui dispose de trois antennes à Diawara, Dakar et Paris. Leurs appuis passent par le chef de village. L’aube des années 2000 coïncida avec le renouveau de cette ville. Diawara a commencé à noyer petit à petit les démons de la promiscuité. Le COREDIA, cheville ouvrière de ce nouvel essor, prit à bras le corps les problèmes de cette localité. Cette association, créée en 1969 par les ressortissants de la commune de Diawara en France, a pour objectif d’atténuer les maux de la municipalité et de promouvoir des projets viables pour le bien-être social de ses populations. Il s’est attelé à cette tâche et a réussi de belles réalisations ces dernières années. Sakho Dramane, porte-parole du chef de village, est d’avis que toutes les infrastructures sociales de base dont dispose Diawara ont été réalisées par les émigrés. Pour cet émigré, les autres villages situés dans la zone copient sur Diawara pour leur développement socio-économique. Interpellé sur cette tendance vers l’émigration qui se ressent très fortement à Diawara, il indique que les jeunes préfèrent partir parce qu’ils veulent assister leurs familles et participer au développement de leur village. Pour Souleymane Bomou, premier adjoint au maire de Diawara, l’apport des émigrés dans la bonne marche de la ville est incommensurable. « Ils jouent un rôle important ; ils nous aident à satisfaire les besoins des populations. Ils nous ont permis de satisfaire les besoins d’eau dans la commune, avec la réalisation d’une station de pompage », dit-il.
Malgré l’érection de Diawara en commune, les émigrés continuent toujours de faire parvenir l’essentiel de leurs aides au chef de village. « Le chef du village continue toujours de jouer son rôle même après la communalisation de Diawara », constate Mamadou Hamidou Sakho, président de l’antenne du COREDIA de Diawara. Cependant, note M. Sakho, les choses sont en train de changer grâce à un travail d’information et de sensibilisation des émigrés. Pour le premier adjoint au maire, cela ne constitue guère un frein dans la coopération entre la municipalité et les émigrés. « Le chef de village est une autorité traditionnelle. Ce n’est pas une chose qu’on peut changer du jour au lendemain », poursuit le premier adjoint au maire, Souleymane Bomou. Ce dernier est d’avis que Diawara a beaucoup gagné avec sa communalisation. « La communalisation était un vieux souhait de la population. Diawara est une ville qui marche économiquement », apprécie-t-il. Parmi les réalisations de la municipalité, il cite entre autres l’hôtel de ville, la gare routière et la construction de certaines salles de classe, etc. À son avis, l’Agence de développement municipale (ADM) a accordé à la commune de Diawara une enveloppe de 225 millions de francs CFA pour l’assainissement de la ville. À cela s’ajoute l’appui de l’Union Européenne (UE) d’un montant de 80 millions de francs CFA. « Ce projet nous permettra de soulager les populations, surtout en matière de ramassage d’ordure. Nous comptons acheter un tracteur et des bennes pour le ramassage des ordures », promet le premier adjoint au maire de Diawara. Les contraintes auxquelles la municipalité est confrontée, selon ce dernier, demeurent le recouvrement des taxes municipales. « Nous nous efforçons de convaincre les populations. Nous ne fonctionnons qu’avec l’apport des émigrés et les fonds de concours qui nous ont permis d’apporter, depuis trois ans, notre contribution à la construction du centre socio-éducatif », indique M. Bomou. L’état civil constitue aussi un des écueils auxquels les autorités municipales font face du fait que Diawara a été érigé en commune, il y a juste 11 ans. « L’essentiel de l’état civil de Diawara se trouve à Moudéry, chef-lieu de communauté rurale. Car, avant l’érection de Diawara en commune, il faisait partie de cette communauté rurale », insiste-t-il. Si l’émigration vers l’étranger se poursuit et s’amplifie à Diawara, cette localité connaît, à l’inverse, un grand rush de nouveaux arrivants qui viennent s’y installer à la faveur du développement qu’a connu la ville. Des gens viennent de partout pour y travailler. Diawara constitue aujourd’hui un véritable eldorado pour les « baol-baol » qui détiennent le monopole du commerce. Ces derniers qui y débarquent chaque jour à la recherche de richesse, s’adaptent à leur nouvel environnement, en relevant notamment le défi de la communication en parlant couramment les langues locales : soninké, bambara, pulaar, etc.
PORTRAIT : Mamadou Hamidou Sakho, un gestionnaire qui veut devenir maire Pour mettre en place une politique de construction à Diawara et développer la localité, ses ressortissants résidant à l’étranger ont mis en place une association : le Comité de rénovation de Diawara (COREDIA). Cette structure, au niveau local, est gérée depuis huit ans par Mamadou Hamidou Sakho, qui ne cache guère son ambition de devenir un jour le maire de Diawara. Un fils de Diawara qui n’est pas tenté par l’émigration, ça se voit rarement. Mamadou Hamidou Sakho fait partie de ces rares exceptions. Et paradoxalement, ce bout d’homme frêle, gère au niveau local l’antenne du Coredia, qui œuvre pour le développement de la localité. À l’en croire, les premiers bailleurs de fonds du Coredia, ce sont les ressortissants de Diawara. « Tout ce qui se fait à Diawara c’est le Coredia qui est l’œil de la commune », indique-t-il. Au début, les cartes de membres étaient vendues à 100 FCfa l’unité, selon M. Sakho, ce qui n’est plus le cas aujourd’hui. « Mais en France, les émigrés cotisent annuellement », avance-t-il. Plusieurs actions sont aujourd’hui à mettre à l’actif de cette structure. Il s’agit, entre autres, de la construction d’une école de trois salles de classe, les locaux du bureau de Poste de Diawara. Dans le domaine de la santé, l’association a acheté deux ambulances, des appareils médicaux, dont un échographe et une chaise dentaire. La réalisation en cours d’un projet d’un coût de 250 millions de FCfa qui devrait permettre le raccordement à l’eau potable de toute la commune. Parallèlement à cela, le président du Coredia de la section de Diawara gère depuis 1990 le forage de la commune. Après avoir été choisi par les populations, Mamadou Hamidou Sakho a suivi une formation de six mois en gestion des forages à Louga. Depuis lors, il gère la destinée du forage de Diawara. Interpellé sur le fort flux d’émigration dans la zone notamment à Bakel, Mamadou Hamidou Sakho, père de quatre enfants, demeure convaincu que la tendance commence à baisser. « Il fut des années, Diawara n’avait pas d’étudiants dans les universités sénégalaises. Aujourd’hui, nous en avons une vingtaine », a-t-il salué. Âgé de 45 ans, cet homme politique ne cache guère son ambition de devenir un jour le maire de Diawara.
Reportage de Samba Oumar FALL, Souleymane Diam SY (textes) et Habib DIOUM (photos)
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