Que de « pipes cassées » durant cette année 2007 qui grille ses dernières heures. Le Populaire, qui a fouillé les archives…de la mort, dresse la liste macabre des personnalités religieuses, coutumières, politiques, culturelles marquantes du Sénégal qui ne verront pas 2008. Une longue liste que boucle le Khalife général des mourides, Serigne Saliou Mbacké.
Le président du Conseil régional de Ziguinchor a failli ouvrir le bal macabre. Omar Lamine Badji, tué dans des conditions non encore élucidées, est tombé dans son fief à Sindia, dans le Bignona, un 30 décembre 2006. Deux jours après, l’année 2007 se pointe, mais avec des ailes bien noires. Comme par un effet d’entraînement, la série noire commence. Le 11 janvier, le Sénégal se réveille avec une bien triste nouvelle : le Juge Kéba Mbaye décède à l’âge de 83 ans. Né en 1924 à Kaolack, Kéba Mbaye fut président de la Cour suprême, puis du Conseil constitutionnel. Il fut le vice-président du Comité international olympique (Cio) et présidait la Commission juridique et le Tribunal arbitral du sport, ainsi que la Commission d’éthique du Cio. Passionné de sport, l’Instituteur qu’il fut dès les années 50, gravira toutes les pentes pour atterrir au poste prestigieux de vice-président de la Cour internationale de justice de La Hayes.
Même génération, même destin
Il est de la même génération que le défunt leader du Parti africain de l’Indépendance (Pai), Majmouth Diop qui fut un leader incontesté de la gauche sénégalaise. Né à Saint-Louis en 1922, il connut la prison en 1960 et l’exil, avant un retour très médiatique au pays natal, après 16 longues années à l’étranger, à la faveur de l’ouverture démocratique encouragée par le président Léopold Sédar Senghor. Et comme si le Ciel s’était déchaîné sur les animateurs des premiers mouvements de la gauche au Sénégal, Mame Ongué Ndiaye, fondateur d’Udf-Mboolomi et ancien compagnon de Cheikh Anta Diop, casse sa pipe le mardi 10 juillet. Moins de 24 heures après, Babacar Niang, un autre compagnon de Cheikh Anta Diop, rallonge la liste. Le fondateur du Parti pour la libération du peuple (Plp) décède le 11 juillet. Onze jours plus tard, précisément le 22 juillet 2007, El Hadj Amadou Moustapha Wade, frère du président Abdoulaye Wade rend l’âme. Fervent musulman, décrit par ses proches comme étant d’une grande piété, Moustapha Wade a consacré ses dernières années à la religion et au parachèvement de son prestigieux institut islamique érigé à Kébémer où il repose. El Hadj Amadou Moustapha Wade était le président honoraire de l’Association des écrivains du Sénégal, titre que lui avait conféré l’Assemblée générale de ladite association en 1996. Il meurt à l’âge de 85 ans et est retourné en douceur à la terre qui l’a vu naître à Kébémer. Il est relativement du même âge que le grand Serigne de Dakar, Ibrahima Diop Marième, décédé le 16 juin 2007. Chef supérieur de la collectivité léboue, Ibrahima Diop Marième incarne malgré les contestations le pouvoir local chez ce peuple de pêcheurs (difficile à gouverner), avec le soutien du président Wade.
L’autre personnalité influente, elle aussi emportée par le destin durant cette année qui se termine, c’est le chef historique du Mouvement des forces démocratiques de Casamance (Mfdc) au Sénégal, l’abbé Augustin Diamacoune Senghor, décédé samedi 13 janvier à l’Hôpital Val de Grâce à Paris. Prêtre catholique, Diamacoune Senghor était une figure emblématique du Mfdc, née durant la période coloniale et qui lutte depuis décembre 1983 pour obtenir l’indépendance de la Casamance, la région forestière du sud du Sénégal. C’est à l’âge de 78 ans que l’abbé Diamacoune Senghor décède, laissant derrière lui une Casamance vivant encore sous la menace des rebelles indépendantistes qui, malgré tous les efforts accomplis et les accords signés pour la paix, refusent de ranger définitivement les armes.
Trois Khalifats ébranlés
Dans le milieu de la religion aussi, le deuil frappe plusieurs familles. Le Khalife de Mbour, Thierno Mansour Barro, influent jusque hors de nos frontières, est brusquement arraché à notre affection. Le lundi 15 janvier, la communauté musulmane pulaar apprend avec consternation ce dignitaire religieux très influent dans le milieu pulaar. Il partage le même destin avec Thierno Mountaga Tall. C’est le vendredi 12 janvier 2007, jour de recueillement et de prières pour les musulmans du monde entier que Thierno Mountaga Tall, Khalife de la famille omarienne, a été rappelé à Dieu dans sa 92e année. Le khalife de El Hadji Omar Tall a fait 27 ans à la tête la famille omarienne. La disparition de ce guide spirituel, référence dans la confrérie tidjane et au-delà, plonge tous les musulmans du Sénégal dans une profonde peine. Feu, le vénéré Khalife des Mourides qui boucle cette liste noire, comme Thierno Mountaga Tall, est parti un vendredi. L’histoire retiendra que les deux hommes se ressemblaient beaucoup dans leur approche de la vie. Tous les deux étaient des ascètes confirmés qui n’accordaient pas trop d’importance aux « nourritures terrestres ».
L’ange de la mort frappa trois fois le monde des arts
Sans conteste, la brusque disparition de Sembène Ousmane a été l’événement nécrologique dominant du monde des arts au Sénégal. Il était l’un des pionniers du cinéma africain et fut distingué dans les plus grands festivals. Sembène Ousmane s’est éteint le 10 juin 2007 à l’âge de 84 ans). Autodidacte de talent, il est né en janvier 1923 dans une famille de pêcheurs à Ziguinchor, en Casamance. D’abord écrivain, il se lance dans le cinéma au début des années 1960 afin de s’adresser plus facilement à des populations souvent illettrées et ne parlant pas toujours français. Sembène Ousmane a notamment été mécanicien, charpentier, maçon, « enrôlé contre (son) gré » comme tirailleur lors de la Seconde Guerre mondiale, ouvrier, docker. Son premier roman, « Le docker noir » s’inspire d’ailleurs de cette expérience, suivi par d’autres : « O pays, mon beau peuple », « Les bouts de bois de Dieu », « Le Mandat »... La dernière note du salsero Labah Socé jouée le jeudi 20 septembre 2007, à la Clinique Casahous de Dakar a marqué l’année qui décline. Surnommé « El Maestro », la carrière de Labah Socé a débuté en 1963 en Gambie avec l’orchestre African Jazz-Band, À noter aussi la disparition de Mamadou Konté, fondateur du festival de musique et de rencontres professionnelles, « Africa Fête », décédé à l’âge de 59 ans. À l’avant-garde du combat culturel dès le début des années 60, il réussit à organiser en 1978 le festival « Africa Fête » en France. Une manifestation qui connaît un succès retentissant qui mettra l’événement sur l’agenda culturel mondial jusqu’en 1998.
Source : Nettali