C’est fait. Le mandat du président de l’Assemblée nationale au Sénégal passe de cinq à un an, ce qui amène le pays de la Teranga à faire figure d’exception sur le continent.
Ainsi en ont décidé les parlementaires de la majorité. L’article 2 de la proposition de loi prévoyant que la rétroactivité s’applique au mandat en cours de l’actuel président de l’institution, les jours de Macky Sall sont désormais comptés. Bien sûr, il fallait s’attendre à ce que les défenseurs de la loi mirent en avant leurs arguments : en permettant à tout parlementaire de se prononcer à intervalle régulier sur le sort du président qu’il s’est librement choisi, on crée ainsi les conditions pour que celui-ci ne soit jamais en rupture de ban avec la majorité parlementaire qui l’a élu. Mais cette modification constitutionnelle participe-t-elle vraiment "de la sécurisation et de la stabilisation de la loi fondamentale", comme le prétendent ces députés ?
Rien n’est moins sûr. Il faut craindre plutôt le contraire, c’est-à-dire qu’une fois appliquée, cette réduction de mandat affaiblisse l’institution par la précarisation des fonctions de président de l’Assemblée nationale, et que la période d’apprentissage de cette fonction soit ainsi outrageusement limitée. Dans tous les cas, le contexte dans lequel intervient cette modification de la Constitution paraît très mal choisi. Elle intervient en effet aux lendemains d’une crise de confiance sans précédent entre Abdoulaye Wade et Macky Sall. Une crise qui a fini par prendre des relents de dualité au sommet de l’Etat. Comment alors croire au caractère impersonnel de la loi ? Comment croire que celle-ci n’a pas été adoptée par une majorité parlementaire au pas, chargée de laver l’affront fait à Abdoulaye Wade ?
Un parlement sous coupe réglée ? Il y a des raisons de le croire, le principe de la séparation des pouvoirs entre l’exécutif et le législatif étant ainsi mis à mal, malgré les dénégations des pourfendeurs de Sall qui estiment que "ledit texte procède d’une initiative parlementaire et que, même saisi pour avis, le président de la République s’est limité à prendre acte de la proposition de loi en mettant les parlementaires devant leurs responsabilités". Mais on n’est pas dupe, la vérité étant que sous les tropiques africains, bien des dirigeants ont l’art de se mettre en arrière-plan quand il s’agit pour eux de mettre à exécution des plans qui viendraient à saper leur image. L’équilibre des institutions est en jeu. Cela ne participe du bon raffermissement de la démocratie au Sénégal. Que des conflits individuels aient des répercussions sur le fonctionnement des institutions, voilà qui constitue un véritable danger. Et puis, Macky Sall est avant tout un élu du peuple, et de surcroît, pas n’importe quel mandataire.
Comme tel, une sortie plus honorable du président aurait eu le mérite d’éviter à la démocratie sénégalaise, ce énième coup de poing à la figure. Avec ce manque d’élégance, on peut à juste titre s’interroger sur la marge de manoeuvre du successeur de Macky Sall. Quel contrôle véritable pourra-t-il exercer sur l’action du gouvernement si le départ forcé de son prédécesseur doit lui rappeler le caractère éjectable du fauteuil ? En tout état de cause, les priorités du peuple sénégalais sont ailleurs, qui ont pour noms : délestages, coût élevé de la vie, insécurité, manque d’emplois, etc. L’heure devait plutôt être à la satisfaction de l’importante demande sociale des Sénégalais.
Par Cheick Beldh’or SIGUE