La notion d’unicité est une notion centrale, et on ne peut plus capitale dans les traditions religieuses monothéistes. Tous les messagers et prophètes d’Allah, d’Adam (paix sur lui) à Muhammad (saw), ont été envoyés aux hommes avec un seul objectif : rétablir le culte du monothéisme pur, de l’unicité d’Allah chaque fois que les hommes se sont éloignés de la droite ligne du monothéisme. Plusieurs versets du Coran, comme nous allons le voir, n’ont de cesse de revenir sur l’impératif de rester attaché à cette unicité : dis : Lui, Allah, est unique. Allah l’absolu. Il n’a pas engendré, et n’a pas été engendré. Et nul n’est égal à lui » (112 : 1-4). Cette très courte sourate de la période mecquoise contient dans ses quatre versets l’essentiel du monothéisme musulman. Monothéisme pur, clair et total, qui satisfait aussi bien la conscience du croyant que sa raison. On rapporte de fait que les polythéistes de la Mecque s’étaient rendus auprès du prophète Muhammad pour lui poser cette question : décris – nous la généalogie de ton Seigneur ! La réponse se fit alors sous la forme de la révélation de cette sourate, appelée al-ikhlâs, terme arabe qui connote l’idée de pureté, de sincérité, dans le sens du culte pur rendu à Allah seul.
o Premier verset : dis (- leur donc Muhammad) : Lui, Allah, est unique. Première réponse aux polythéistes mecquois, qui multipliaient les idoles au gré de leur fantaisie. Ce verset marque une norme précise et une limite infranchissable dans la définition d’Allah. Par son caractère unique, Allah se distingue de l’ensemble de ses créatures, qui toutes peuvent être dénombrées ou classées en genre et en espèce. Cette distinction sacrée interdit toutes les formes de représentation dualistes ou trinitaires de la divinité. C’est pourquoi l’islam rejette entièrement l’idée de la Trinité ;
o Deuxième verset : Allah, l’Absolu. Seconde réponse aux polythéistes. De fait, le terme arabe « çamad », traduit ici par « Absolu », recouvre un vaste champ sémantique. Il signifie tout à la fois qu’Allah est un Maître eternel et parfait, se suffisant à Lui-même, ne dépendant d’aucun des éléments de sa création, mais assurant seul les besoins de ses créatures. Par conséquent, c’est vers Lui que les hommes doivent se tourner et c’est Lui qu’ils doivent adorer ;
o Troisième verset : il n’a pas engendré, et il n’a pas été engendré. Troisième réponse aux polythéistes. Allah n’a pas plus de « père » qu’il n’a de « fils ». Dans le premier cas, cela voudrait dire qu’il dépend d’un être supérieur qui était avant qu’il Il n’est soit. Il ne serait donc pas le premier (al-awwal). Dans le second cas, cela signifierait qu’un être second Lui succéderait ou hériterait de sa nature. Il ne serait donc pas le dernier (al-âkhir). La double négation permet au contraire de souligner son caractère eternel ;
o Quatrième verset : et nul n’est égal à Lui. Quatrième réponse aux polythéistes. Allah est unique et n’a pas de semblable. Le Coran dit ailleurs : rien ne Lui est semblable, et Il est celui qui entent, qui voit absolument. (Coran, 42 : 11). Par conséquent, rien de ce qu’il nous est donné de concevoir, d’imaginer ou de nous représenter, n’est susceptible de symboliser matériellement le Créateur. Tout objet, ou tout être qui aurait cette prétention est par définition une idole, condamnée sévèrement par les révélations de la tradition monothéiste. Dans un hadith kûdsi, considéré comme authentique, le prophète Muhammad affirme : Allah a dit : le fils d’Adam m’a accusé de mensonge, et il n’en avait pas le droit ; il m’a injurié, et il n’en avait pas le droit ; il m’a accusé de mensonge en disant : Allah ne me redonnera pas la vie après ma mort comme Il l’a fait une première fois ; or le fait de le créer une première fois n’est pas plus aisé pour Moi que de lui redonner la vie ; quant à son injure, elle consiste à dire qu’Allah s’est donné un fils ; or je suis l’Un, l’Absolu, Celui qui n’a pas engendré et qui n’a pas été engendré, et à qui nul n’est égal. Dans le texte coranique, plusieurs verstes font état des récits des messagers d’Allah appelant les gens au pur monothéisme : « Nous avions déjà envoyé Nouh à son peuple : je suis pour vous un avertisseur explicite, afin que vous n’adoriez qu’Allah. Je crains pour vous le châtiment d’un jour douloureux. Les notables de son peuple qui avaient mécru dirent : nous ne voyons en toi qu’un homme comme nous ; et nous voyons que ce sont seulement les vils parmi nous qui te suivent sans réfléchir… » (Coran, 11 : 25 -27) ; « et Nous avions envoyé aux Aad leur frère Hûd qui leur dit : ô mon peuple adorez Allah. Vous n’avez point de divinité en dehors de Lui… » (11 : 50) ; « et Nous avions envoyé aux Tamûd leur frère Salîh leur disant : ô mon peuple adorez Allah, vous n’avez point de divinité en dehors de Lui. De la terre Il vous a créés et Il vous la fait peupler (et exploiter) [….] Ils dirent : ô Salîh, tu étais auparavant un espoir pour nous. Nous interdirais –tu d’adorer ce qu’adoraient nos ancêtres ?
Cependant, nous voilà bien dans un doute troublant au sujet de ce à quoi tu nous invite » (11 – 61 – 62) ; « et Nous avions envoyé aux Madyan leur frère Suayb leur disant : ô mon peuple adorez Allah en dehors de qui vous n’avez aucune autre divinité [. …] Ils dirent : ô Suayb ! Est- ce que ta prière te demande de nous faire abandonner ce qu’adoraient nos ancêtres, ou de ne plus faire de nos biens ce que nous voulons ? Est –ce toi l’indulgent, le droit. » (11 : 84, 88) « et nous avions envoyé à Mûsa, avec Nos miracles et une autorité incontestable, à Pharaon et ses notables. Mais ils suivent l’ordre de Pharaon, bien que l’ordre de Pharaon n’avait rien de sensé… » (11 : 96 – 97).
Comme ces Messagers, le prophète Muhammad, durant toute sa mission, avait jour et nuit appelé les gens à retourner à l’adoration du Seigneur des univers. Sa mission était d’autant plus compliquée qu’il avait affaire à des mecquois idolâtres adorant plus de trois cents idoles placées dans la Maison sacrée d’Allah : la Qabah. Le contexte de la transmission du Message divin fut difficile. Tellement les adversaires de Muhammad, saw, étaient déterminés à lui barrer le chemin.
Dans son ouvrage qui s’intitule Muhammad, vie du prophète, Tariq Ramadan écrit à propos de cette adversité : « l’appel était désormais public, et même si les nouveaux convertis se formaient discrètement dans la demeure d’Al-arqam, ils n’hésitaient pas à en parler à leur parenté et plus largement autour d’eux. Les chefs de clans percevaient chaque jour davantage la nature du danger qui les guettait : c’était une claire rébellion contre leurs dieux et leurs coutumes qui, à terme, ne manquerait pas de mettre en péril leur pouvoir. Ils décidèrent d’abord d’envoyer une délégation chez l’oncle du prophète, Abû Talib,… Ils lui demandèrent de parler à Muhammad et de faire cesser la diffusion d’un message pour eux dangereux et inacceptable par ce qu’il s’en prenait directement à leurs dieux et à leurs ancêtres. […] Une nouvelle délégation vint voir le prophète et lui proposa des biens, de l’argent et le pouvoir. Il, saw, refusa une à une leurs offres et confirma que seule l’intéressait sa mission : appeler à la reconnaissance et à la foi en Dieu, l’Unique, quel qu’en soit le prix […] On faisait courir le bruit que Muhammad était en fait un démoniaque, qu’il brisait les familles, séparait les parents des enfants, les maris de leurs épouses, et qu’il était un propagateur de désordre… »
SOUMARE Zakaria Demba