L'once d'or a battu, vendredi 11 janvier, un nouveau record historique en touchant brièvement le niveau de 900,10 dollars, sur le New York Mercantile Exchange. Le métal précieux avait fini à 898 dollars à Hongkong et à 897,90 dollars sur le London Bullion Exchange.
En dollar constant, il faudrait que l'once atteigne près de 2 100 dollars pour enfoncer le record de 850 dollars du 21 janvier 1980, au moment où les armées russes envahissaient l'Afghanistan.
Il n'empêche que, depuis l'étiage de 250 dollars de 2001, on assiste à une véritable "ruée vers l'or" : les 500 dollars ont été dépassés dès 2005 et les 600 en 2006. En 2007, les cours de l'once ont progressé de 32 %.
Tout alimente cette flambée. Valeur refuge par excellence, l'or profite à plein d'une conjoncture inquiétante : assassinat de Benazir Bhutto et craintes de voir des islamistes s'emparer de l'arme nucléaire pakistanaise, embourbement américain en Irak, menaces de récession aux Etats-Unis, crise du système bancaire occidental et crise de liquidité, dépréciation de l'immobilier et chute des Bourses qui dévaluent les actifs, etc.
Les incohérences des banques centrales des pays occidentaux ont fait le reste. Les marchés sont persuadés que celles-ci sont incapables de monter leurs taux directeurs, comme elles devraient le faire pour combattre l'inflation, en raison des risques de récession. Ce qui signifie que l'inflation a de beaux jours devant elle et ces anticipations tirent le métal vers le haut.
Le patron de la Réserve fédérale américaine (Fed) ayant annoncé cette semaine une nouvelle baisse de taux pour soutenir l'activité et la Banque centrale européenne (BCE) entendant défendre l'euro par un maintien des siens, le dollar a repris sa glissade et comme la corrélation est de 92 % entre l'évolution du dollar et le prix de l'or, le métal jaune a été dopé une nouvelle fois.
LA DEMANDE A CHANGÉ
Autre vent favorable pour l'or : la demande de la joaillerie. Les hausses successives ne découragent en rien les Indiennes et les Chinoises, premières consommatrices. Les statistiques font apparaître qu'au troisième trimestre 2007, la consommation mondiale a progressé de 16 %, la demande chinoise atteignant même 25 %.
Enfin, la demande a changé. Moins de particuliers à la recherche de lingots et de pièces et plus d'investisseurs et d'épargnants qui profitent des nouveaux modèles de fonds adossés à des stocks physiques d'or, les ETF ("Exchange Traded Fund"). Les Chinois ont aussi depuis cette semaine la possibilité d'accéder à un marché à terme de l'or. Autant de nouveaux "joueurs" qui poussent à la hausse.
Certains se sont risqués à imaginer des équations permettant d'expliquer et d'anticiper les mouvements du prix de l'or. On a parlé de la "loi de Raymond Barre", du nom de l'ancien premier ministre français, qui voudrait que le prix de l'or s'équilibre à dix fois celui du baril de pétrole. Cette formule annoncerait à brève échéance une once à 1 000 dollars.
Plus sérieux est le modèle "Summers-Barsky". L'ancien secrétaire d'Etat au Trésor de Bill Clinton, Larry Summers, a modélisé l'évolution du prix de l'or de 1730 à 1985 en réaction aux taux d'intérêt, à l'inflation et au retour sur investissement.
La leçon qu'il en tire est claire, telle qu'elle est rapportée par le Financial Times du 12 janvier : on se tourne vers l'or quand l'investissement dans les autres actifs semble moins attractif. Autrement dit, l'or sert à préserver un capital, pas à l'augmenter. Retour donc à la fonction refuge du métal précieux.
Et demain ? Peu d'analystes prédisent une poursuite de la hausse au rythme actuel. La Société générale estime même qu'à court terme, le ralentissement de l'économie mondiale devrait provoquer un retour en forme du dollar et une baisse du prix du pétrole. Elle parie sur un recul marqué de l'once d'or, après un premier trimestre 2008 agité.
Alain Faujas
Source : Lemonde.fr