M. NICOLAS BISON, INGENIEUR HUMANITAIRE ET DIRECTEUR DU PROJET « PLASTIC NAFA »
Les déchets plastics sont légers et multifonctionnels. Si leur durée d’utilisation est de l’ordre de 20 minutes, ils mettent 400 ans pour se décomposer. C’est toute la problématique qui sous-tend le projet Plastic Nafa, initié par Nicolas Bison, ingénieur humanitaire et directeur de projets, pour lutter contre le phénomène des déchets plastics dans les villes et villages au nord du Sénégal.
Pourquoi Plastic Nafa et en quoi consiste-t-il ?
Plastic Nafa vient de « Nafa » qui est un mot Soninké qui veut dire bien-être, valoriser, utile, entre autres. En Europe, on l’appellerait plastic béton, du fait du résultat obtenu après transformation. Ce projet consiste à collecter les déchets plastics dans les villes et villages, et les collecteurs seront payés au kilogramme de plastics ramassés. ces plastics seront transformés par un personnel formé à cet effet et qui sera recruté et payé par le projet. Il a pour but d’éliminer une grande quantité de déchets plastics dans les régions du Sénégal les plus polluées en commençant par la région de Matam plus particulièrement dans la ville de Dembancané. Il consiste aussi à ôter la pollution générée par les déchets plastiques des villes et cela revêt d’autant plus d’importance qu’il s’agit d’un des pré-requis pour envisager la mise en place d’un système d’assainissement des eaux usées.
Est-ce pour dire que vous visez seulement des localités Soninkés ?
A l’origine du projet, oui. Parce qu’on est venu d’un constat : nous on veut travailler en direct avec les populations et donc, à l’observation dans le village de Dembancané, les villages et les villes aux alentours sont à peu près les mêmes et ont les mêmes problématiques de déchets plastiques qui est un phénomène très répandu. Nous sommes dans une localité Soninké et on a observé plusieurs phénomènes; d’abord les plastiques sont en quantité importante dans la nature, mais aussi des demandes particulières de la part des soninkés et notamment des groupements féminins qui souhaitaient avoir des poteaux pour protéger les clôtures de leurs champs. Tout cela pour dire que le projet part de Dembancané, une localité Soninké, d’où l’appellation Plastic Nafa.
Pourquoi Plastic Nafa a choisi la région de Matam et particulièrement les localités de Bakel et de Kanel ?
La région de Matam est située dans la bande du Sahel. Une région très plate. Le vent transporte les sacs plastiques jusqu’à la commune de Dembancané qui se situe à la frontière avec le désert. Dans cette localité, il n’existe aucune gestion des déchets plastiques. On ne peut pas envisager de ramasser des déchets plastiques uniquement à Dembancané parce que le vent va se charger de les prendre là où ils sont et de les ramener sur le sol de Dembancané. L’idée c’est de travailler à la fois sur Dembancané, mais aussi sur tous les alentours de manière à ce que tout le secteur soit débarrassé de plastics qui trainent. Par ailleurs, on a visé une douzaine de localités aux alentours qui ont été déjà visitées par mon équipe. Il s’agit des Thialy ; Waoundé, Diawara, entre autres.
Comment se fait le recyclage pour ne pas dire la transformation?
Il y a plusieurs manières de se débarrasser du plastic. La seule chose qui va détruire le plastic, c’est le fait qu’il soit exposé aux ultra-violets et à ce moment là il finit par être cassé en petit morceau mais reste toujours là. Cette méthode de l’enfouir avec d’autres ordures ménagères est un vrai souci parce que les ordures ménagères disparaissent assez facilement et peuvent même nourrir la terre. Or, les déchets plastics enfouis dans la terre durent quatre cents ans et cela pose un souci majeur de longévité. Dans un premier temps, les plastics sont récoltés par des volontaires qui seront payés en fonction du poids de plastics apportés. Une fois ces derniers récupérés et stockés, ils sont confiés à une personne chargée de les faire fondre. Lors de la cuisson, le plastic est mélangé à deux types de sables. Le mélange récupéré se solidifie en séchant et prend la forme que l’on souhaite en le versant dans un moule.
Quels sont les dangers que peuvent courir ces volontaires ?
Au niveau de notre opération, la transformation se fait sans qu’il y ait une production de flamme qui, par ailleurs, est toxique du fait du plastic qui fond. Aussi, nous, nouq faisons la cuisson à l’étuvé, c'est-à-dire sans flamme, parce qu’on a besoin des liquides qui, à l’issue de la fonte du plastic, sont nécessaires à l’amalgame avec le sable. Une autre solution consiste à bruler les déchets plastics et là il y a des fumées toxiques dans l’atmosphère et on détruirait un fléau pour le remplacer par un autre, c'est-à-dire la pollution du plastic par la pollution atmosphérique et ce n’est pas ça la solution.
Quelles sortes de difficultés rencontrez-vous ?
La grande difficulté c’est de ne pas pouvoir répondre à toutes les demandes. Le projet fait tache d’huile au niveau de toute la région du secteur de Matam et on ne pourra pas dans un premier temps, répondre à toutes ces demandes, à notre grand désespoir et là où on est passé on s’engage sérieusement à travailler sur le long terme, pour au moins cinq ans. On a la chance d’avoir une équipe qui maîtrise parfaitement la situation locale et qui a réussi à coller une situation à chaque problème. Mais nous n’avons pas de difficulté particulière.
Aissatou DOUCOURE, Sudonline.sn