Les pouvoirs publics fondent beaucoup d'espoir sur le péage et voient grand en la matière. A la sortie de la ville Kati, un impressionnant hangar de cinq mètres de haut se dresse au bord de la route nationale (RN3) qui relie notre capitale aux frontières mauritanienne et sénégalaise. Sur les deux façades de la structure, on peut lire "Poste de péage et de pesage de Kati". Tous les usagers qui empruntent cette route sont tenus de payer 500 Fcfa pour les véhicules légers d'une hauteur inférieure à 2,55 m, 1 000 Fcfa pour les véhicules de transport public de plus de 13 passagers payants, 500 Fcfa par essieu pour tout poids lourds ou véhicule d'une hauteur supérieure ou égale à 2,55 m.
Seuls sont dispensés de péage les véhicules militaires en mission, ceux de la Protection Civile (sapeurs pompiers), ainsi que les ambulances et les corbillards. C'est donc dire que les voitures de service de l'État paient tout comme les véhicules de cortège présidentiel ou ministériel. Les services de protocole de l'autorité en question doivent donc prendre à l'avance les dispositions pour régler la note. Le décret d'application de la loi portant création de l'Autorité routière est très clair dans ses dispositions, constate le directeur national, Mory Kanté. La limitation des mesures d'exception, explique-t-il, est destinée à accroître l'efficacité, donc l'utilité, de la redevance d'usage de la route. 90% des recettes générées par ces redevances servent à entretenir les routes, 7% à renouveler les équipements et à effectuer les grosses réparations des installations, et 3% vont au fonds de développement de la collectivité qui abrite le poste.
UN NOMBRE ILLIMITE. La clarté des textes n'a cependant pas empêché les difficultés d'ordre pratique de surgir dès le démarrage des activités du poste au début du mois. Bréhima Diallo, le chef de poste, recense ainsi des problèmes de plusieurs ordres.
Des Katois tout comme des Bamakois qui possèdent des champs ou des vergers en aval du poste rechignent -et on les comprend- à payer le ticket à chaque passage. Idem pour les transporteurs et les forains qui viennent à Kati les jours de foire (jeudi et dimanche) ou qui vont de Kati au marché à bétail du Drall tous les samedi. Durant ces trois événements hebdomadaires, le trafic est intense sur la route. Les transporteurs peuvent effectuer un grand nombre d'aller et retour entre la ville et les villages environnant pour prendre et déposer des passagers. Contraints au début de payer 1000 Fcfa, à chaque passage, la facture engloutissait une grande part de leurs recettes journalières.
Le premier samedi qui a suivi l'ouverture du poste, la grogne était ainsi à son comble. La file des véhicules s'est allongée jusqu'à hauteur du poste de contrôle des forces de sécurité situé à près de 400 mètres du péage et près d'une heure était nécessaire pour pouvoir passer. Seul un renfort de la police katoise a empêché la situation de dégénérer, confirme Bréhima Diallo. A une panne des équipements qui a ralenti la cadence se sont ajoutés de menus problèmes et une méfiance des automobilistes sur la fiabilité des tickets à souche que le personnel leur délivrait, des tickets différents de ceux délivrés par l'opératrice du poste qui les imprime sur son ordinateur.
Cette poussée de fièvre provoquée par des raisons en bonne partie objectives, a persuadé l'Autorité routière d'organiser d'urgence une réunion qui a regroupé autour du directeur Mory Kanté, les représentants des transporteurs et le personnel du poste. Au sortir de cette rencontre, il a été décidé d'étendre la validité du ticket jusqu'à minuit. Autrement dit, tout automobiliste quittant Kati et ne dépassant pas Kolokani, peut user de son ticket jusqu'à minuit s'il rebroussait chemin. Cette mesure a permis de décrisper la relation entre le personnel et principalement les transporteurs. Pour les riverains qui habitent de part et d'autre du péage et qui doivent le traverser quotidiennement, l'expérience d'autres pays suggère l'établissement d'un abonnement forfaitaire ou d'une carte de riverain qui ferait office de coupe-file.
SYSTEME PAS NOUVEAU. Mamadou Diarra, un habitué de la route, estime que le péage est une bonne chose dans son principe car c'est un manière de participer au développement du pays. Mais, relève-t-il, le premier barème de paiement retenu était au-dessus des possibilités. Le président des jeunes du cercle de Kita, Diabaté Amara, de passage au poste abonde dans le même. "Je trouve que c'est une très bonne chose. Car, tout pays est appelé à faire des changements pour se moderniser. Pour moi ces nouvelles mesures du gouvernement entrent dans le cadre aussi des Objectifs du millénaire pour le développement (OMD), qui concernent tous les domaines du développement, l'amélioration de la qualité des infrastructures. Je souhaite que les usagers acceptent de se conformer aux normes prescrites par la nouvelle réglementation et s'acquittent des redevances au poste afin qu'on puisse aller de l'avant." Amara Diabaté souhaite aussi que des dispositions soient prises pour améliorer la fluidité au niveau du poste. "Le plus souvent, on y perd trop de temps", constate-t-il.
Le système péage n'est pas nouveau dans notre pays même s'il n'avait pas pu y prendre racine. On conserve encore en mémoire l'expérience d'instaurer un paiement pour franchir le tout nouveau pont de Kayes en 1998. Le projet avait tourné court pour diverses raisons parmi lesquelles le prix, le statut privé de la redevance, une instrumentalisation politicienne du dossier, l'existence de l'ancienne chaussée qui permettait le passage gratuit, la situation géographique du pont au coeur de la ville, etc.
L'opération actuelle est mieux pensée et ses promoteurs, à défaut d'avoir prévu des problèmes évidents, se montrent très réactifs dans leur résolution. Les pouvoirs publics fondent beaucoup d'espoir sur le péage et voient grand en la matière. En effet, après l'ouverture des postes de péage et de pesage de Kati et de Wabaria à Gao, suivra dans les mois à venir la mise en service de ceux de Sanankoroba, Zégoua, Kasséla, Sienso, Ty, Heremakono, Koury, Bla, Diéma, Diboli, Kouremalé, Tlomadio, Gogui, Koro et Kayes. Sur la RN 17, reliant Gao-Ansongo-Labezanga, le site sera fixé dans les mois à venir.
Le principe du péage installé et accepté, l'avenir s'ouvre peut-être aux autoroutes privées comme en voit sous d'autres cieux. D'ici là, l'argent collecté permettra de rouler sur des routes mieux entretenues tandis que les automobilistes devraient finalement apprécier de payer un peu pour économiser beaucoup sur les réparations de leurs véhicules.
A.O. Diallo
Poste de péage/pesage de Kati : DÉSORMAIS FONCTIONNEL
L'infrastructure a coûté près d'un milliard de Fcfa financés par l'Union européenne
Le poste de péage/pesage de Kati est fonctionnel depuis jeudi dernier. Son ouverture a été faite par le ministre de l'Équipement et des Transports, Hamed Diane Séméga, en présence du conseiller en infrastructures et secteur minier de la Commission de l'Union européenne, Thierry Cozier, des représentants de la Bad, Pierre Thizier Seya, et de la BOAD, Moumouni Djermakoye, ainsi que des autorités communales et administratives de Kati. Bâti sur 96 hectares, le poste de péage/péage de Kati a coûté 927,8 millions de Fcfa entièrement financés par l'Union européenne. Les travaux ont été réalisés par l'entreprise Razel en 8 mois. L'ensemble comprend une voirie, un bâtiment principal, des infrastructures de réseaux divers, l'aménagement environnemental, des équipements spécifiques et des mobiliers. La voirie comporte, entre autres, une voie principale de 600 mètres avec une chaussée de 6 m de large et deux bretelles, Kati-Bamako et Bamako-Kati, d'une longueur respective de 150 et 100 m.
Le bâtiment principal présente une maxi-cabine pour le pesage, d'une mini-cabine pour la péage, des locaux de sécurité et un local pour deux groupes électrogènes d'une puissance de 15 Kva. Les équipements regroupent du matériel informatique pour les barrières électriques, un système de pesée à basse vitesse et un système de péage à basse vitesse. L'ouverture du poste de péage/pesage de Kati, situé à l'embranchement des routes internationales Kati-Kita-Sékokoto-Saraya-Dakar par le sud et Kati-Kolokani-Diéma en passant par Djidiéni sur la RN3 intervient après celle des postes de péage de Diboli, Kayes, Diéma et du pont Wabaria de Gao Il vient renforcer le dispositif de l'Autorité routière en termes de collecte de ressources destinées à l'entretien de nos routes s'est félicité Mory Kanté, le directeur de cette structure. Au total ce sont 18 postes qui seront ouverts à travers le pays, a-t-il annoncé. Les ressources provenant des redevances se repartissent comme suit : 90 % seront destinées à l'entretien routier, 7% au renouvellement et à l'achat de la logistique et 3% aux actions de développement de la localité qui abrite le poste.
Tout en reconnaissant l'importance des postes de péage/pesage dans la protection de nos routes et la création d'emplois, le premier adjoint au maire de Kati, Bekaye Traoré, a demandé à l'administration d'examiner la situation des habitants de Kati qui doivent quotidiennement passer par le poste pour gagner leur lieu de travail.
Le représentant des transporteurs, Boubacar Baba Sylla, a réitéré le soutien du syndicat des transporteurs à la sensibilisation des usagers de la route sur l'importance du péage/pesage. Quant au représentant de la commission de l'Union européenne, Thierry Cozier, il a développé un plaidoyer en faveur de la participation des usagers à la protection et à l'entretien de la route. " La route un vecteur de développement. Mais le non respect des règles de la route n'entraîne pas le développement. Il faut éviter la destruction rapide des routes dont les usagers sont les premiers à se plaindre", a-t-il indiqué en citant notamment la route Kayes-Sandaré qui se dégrade au fil des jours. Le ministre Hamed Diane Séméga a insisté sur l'esprit qui a présidé à la création des postes de péage/pesage et sur la reforme, en cours du secteur des transports.
Les postes de péage/pesage ne sont pas faits pas pour réprimer mais pour protéger les routes qui coûtent cher aux contribuables maliens, a expliqué le ministre. "La route ne sera là que si chacun de nous veille à son entretien", a averti le ministre Semega qui a dénoncé la responsabilité importante des surcharges dans la destruction de nos routes. "Sur 33 véhicules contrôlés, 32 étaient en état d'infraction avec des charges à l'essieu dépassant les 20 tonnes alors que la norme est de 13 tonnes", a-t-il déploré en relevant que cette pratique est le premier facteur de destruction de nos routes. "A partir de mars
prochain, toutes les surcharges seront soumises au paiement de pénalité" a annoncé Hamed Diane Séméga qui a invité les usagers au civisme.
Be COULIBALY
Source ; L'ESSOR.GOV.ML