Vingt-deux ans déjà que Cheikh Anta Diop n’est plus. Ce savant sénégalais qui a donné son nom à l’Université de Dakar vit le jour en 1923 dans un petit village du Sénégal, Caytou dans la région de Diourbel. Intellectuel, chercheur et homme politique, il a oeuvré pour le retour de la conscience historique de l’Afrique. Dans ses thèses qui ont remis en cause la recherche naguère consacrée, il a toujours soutenu l'antériorité de la civilisation africaine.
Cheikh Anta s’est battu durant son existence pour rendre à l’Afrique le rôle que l’Occident lui a volé dans la civilisation universelle. Il a lutté contre "la vision d'une Afrique anhistorique et atemporelle, dont les habitants, les Nègres, n'ont jamais été responsables, par définition, d'un seul fait de civilisation, s'impose désormais dans les écrits et s'ancre dans les consciences". Il a développé beaucoup de thémes. Le premier est "l'origine de l'homme et ses migrations".
Par là, il a révélé que l’Afrique reste le berceau de l’humanité. Ainsi, il a tracé le processus de différentiation biologique de l’humanité, de sémitisation, et l'identification des grands courants migratoires et la formation des ethnies africaines. Le deuxième thème reste la parenté qui existe entre l’Egypte ancienne et l’Afrique noire. Il a commencé par le peuplement de la vallée du Nil, en passant par la genèse de la civilisation égypto-nubienne, la parenté linguistique, la parenté culturelle et pour finir sur les structures socio-politiques. "L'apport de l'Afrique à la civilisation" ce thème était celui de sa conférence de Niamey. Il a rendu à l’Afrique ce qui lui revient de droit et que l’histoire lui a refusé. Il s’agit : "De la métallurgie, l'écriture, les sciences (mathématiques, astronomie, médecine...), les arts et l'architecture, les lettres, la philosophie, les religions révélées". Pour Cheikh Anta, "l'Égypte marque le début de la civilisation".
A l’en croire, "tous les savants de l’Occident avant Jésus ont fait l’école de l’Egypte à savoir Pithagore, Thales, Archimède, Platon, Socrate" pour ne citer que ces derniers. Malheureusement, ces derniers n’ont pas été reconnaissants car dans leurs écrits, ils n’ont pas eu la latitude de mentionner leur source. C'est dans ce contexte hostile et obscurantiste que Cheikh Anta Diop, par une investigation scientifique méthodique, a remis en cause les fondements même d'une certaine recherche occidentale relatifs à la genèse de l'humanité et de la civilisation. La renaissance de l'Afrique était au centre de ses positions scientifiques. "La restauration de la conscience historique, m'apparaît comme une tâche incontournable à laquelle je consacrerai ma vie" a-t-il affirmé. Contre vents et marées, Cheikh a résisté et a réussi à se faire entendre. Lors d'une de ses conférences à Niamey en 1984, dans une salle remplie d’Africains, il leur a fait comprendre qu’au-delà "du berceau de l’hamanité", ils sont les précurseurs de "la civilisation universelle". Il a servi des réponses aux historiens de l’Occident. C’est le cas du Britannique Arnold Toynbee qui disait que "l'Afrique noire ne constitue pas un champ historique intelligible".
A ce dernier s’ajoute l'anglo-saxon Basile Davidson avec sa question : "Le Noir est-t-il un homme sans passé ?" Pour Cheikh Anta, c’est l’homosapien-sapien qui a traversé le détroit de Gibraltar pour répandre sa civilisation en Europe. Il a rendu compte de l'évolution des peuples noirs africains, dans le temps et dans l'espace. Pas n’importe comment. Il a respecté l’ordre des choses depuis le début de l’humanité jusqu’à la rencontre des civilisations.
Intellectuel, chercheur et homme politique
Le Pr. Cheikh Anta Diop a publié plusieurs oeuvres majeures dont "Nations nègres et culture" en 1954, "l’Unité culturelle de l’Afrique noire" en 1959, "Parenté génétique de l’Egyptien pharaonique et des langues négro-africaines" en 1977. Chercheur, il a fondé en 1966 un laboratoire de datation des échantillons archéologiques par la méthode du radiocarbone, en collaboration technique avec le laboratoire de Gif-sur-Yvette du Commissariat à l’Energie atomique (France).
Comme homme politique et adversaire de l’ancien président Léopold Sédar Senghor, il a créé successivement trois formations politiques : le Bloc des masses sénégalaises (BMS) en 1961, le Front national sénégalais (FNS) en 1963 et le Rassemblement national démocratique (RND) en 1976.
Source : Le matin