Par Justine Spiegel (Jeuneafrique.com) - ls étaient plusieurs centaines à Paris, samedi (06 août 2011), pour manifester leur colère contre le recensement en Mauritanie. S'ils n'en contestent pas le principe, ils jugent qu'il pourrait servir à exclure une partie des Négro-Mauritaniens de la nationalité mauritanienne.
« Non aux enrôlements racistes en Mauritanie ! » lance avec vigueur un manifestant au micro, tandis qu’une jeune fille frappe en rythme sur un bidon rouge. Le drapeau vert et jaune de la Mauritanie flottait au dessus de la place du Trocadéro, ce 6 août à Paris. Des centaines de Noirs mauritaniens - 1300 selon l’organisation -, se sont rassemblés afin de manifester contre les conditions de recensement de la population dans le pays, qu’ils jugent discriminatoires envers eux.
Officiellement, le recensement doit permettre de doter le pays d’un fichier d’état-civil fiable basé sur la biométrie, en diffusant de nouvelles pièces d’identité. « Si le but de l’opération est en soit louable, les conditions d’application sont très chaotiques, assure Haimout Ba, représentant de l’UFP (Union des Forces de Progrès, parti d’opposition), à Paris. »
Alors que l’opération dure depuis le mois de mai, des manifestations hebdomadaires ont également lieu devant les centres de recensement de Nouakchott, la capitale. À Paris, le rassemblement précédent du 24 juillet avait rassemblé plus de 600 personnes. « La procédure du gouvernement mauritanien est tout à fait équivoque, soutient Sidi Tidiane Gueye, président de la FETAF (Fédération africaine des travailleurs d’Afrique en France). Tous les citoyens du monde doivent dénoncer cette épuration ethnique », accuse-t-il.
Recensement ciblé
Sous une fine pluie, le cortège rejoint à 17 heures l’ambassade de la Mauritanie, dans le 16e arrondissement de la capitale française. « On nous dit que l’on recense pour le moment que des gens nés avant 1945 et sur le territoire mauritanien, précise Ibrahima Diallo, représentant des FLAM (Forces de libération africaines de Mauritanie) à Paris. Or, nous avons vu des gens nés en dehors du territoire mauritanien se faire recenser. Mohamed Ould Abdelaziz, le président de la Mauritanie, est né au Sénégal, reprend-il. Mon père, né en 1930 au Mali, devrait alors pouvoir se faire recenser ! Des personnalités importantes telles que le Premier ministre des Finances de la Mauritanie, Ba Bocar Alpha, ne parviennent pas non plus à s’enregistrer. Il y a un grave problème », assure-t-il.
Les revendications des manifestants, énoncées dans une « déclaration sur le recensement à vocation d’état civil », lue au micro par Haimout Ba devant l’ambassade, sont claires. Ils demandent l’arrêt des opérations de recensement, la concertation nationale sur ce dossier et l’adoption d’un système de recensement neutre et représentatif d’un état-civil fiable dans un cadre juridique concerté.
Le 5 août, le chef de l'État Mohamed Ould Abdelaziz est intervenu en direct à la télévision mauritanienne, assurant que « personne n’est exclu » du recensement. Il est revenu sur une autre question brûlante, celle de la double-nationalité : « Un mauritanien qui se retrouve en France et qui prend la nationalité française n’est plus mauritanien tant qu’il n’a pas demandé à garder sa nationalité mauritanienne. »
Loi sur la double nationalité
De fait, la loi du 12 juin 1961, qui excluait la double-nationalité, a été modifiée en 2010. Elle prévoit désormais qu’un Mauritanien qui a acquis une autre nationalité peut demander à conserver sa nationalité d'origine. « C’est une loi de circonstances puisque ce droit est offert par décret du chef de l'État », précise Haimout Ba. Un Franco-Mauritanien, habitant en banlieue parisienne, explique alors son parcours du combattant pour retourner en Mauritanie. « Je dois obtenir un visa comme si ma nationalité avait été bannie, lance-t-il avec colère. Je suis clandestin dans mon propre pays. »
La veille, dès 10 heures, des jeunes avaient occupé l’ambassade de Mauritanie à Paris, de laquelle ils ont été délogés 3 heures plus tard. « Je vis en France mais je suis Mauritanien, contrairement à ce que dit le chef de l'État », explique l’un d’entre eux en présentant son passeport. Ce jeune ingénieur venu passer des entretiens d’embauche à Paris, a même été retenu dans un fourgon de la police, peu après avoir quitté les lieux. « Il n’y a eu aucune casse, nous recherchions avant tout le coup médiatique, explique-t-il. Peu importe les obstacles, nous continuerons à faire entendre notre voix. »
Source: Jeuneafrique.com