Voici peut-être le poème de Léopold Sédar Senghor, qui nous donne le plaisir esthétique le plus achevé et le plus durable. Et comme cela se passe avec toute oeuvre d’art vraiment transcendante, ce plaisir est à la fois intense et mystérieux. De quoi exactement est-il fait ? C’est le secret du poète, et notre tache va consister à l’approcher, l’apprivoiser et peut-être à en voler quelques uns des éléments constitutifs.
Le poème est tout entier fondé sur une évocation du plus ancien empire africain connu : l’empire du Wagadou, improprement nommé Ghana par les voyageurs arabes.
Ce sont ceux-ci en effet. El Békri, El Idrissa qui ont les premiers rapporté l’existence de cet empire situé à cheval sur la Mauritanie, le Sénégal et le Mali actuel dont l’opulence avait étonné ces voyageurs venus du Nord.
Senghor se souviendra de ces descriptions.
Cet empire avait été constitué par les Soninké vers le début de notre ère. Les Soninké eux-mêmes venaient de l’extrême Est, leurs traditions citent la Palestine et l’Egypte, avant d’arriver dans l’Adrar au cours d’une migration qu’il est impossible de dater. La fondation du Wagadou se fit, d’après leur mythe, avec l’alliance du grand serpent Bida à qui il fallait sacrifier tous les ans une jeune fille vierge. On retrouve une allusion à ce serpent tutélaire au vers 9 du poème.